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Le pays foyen
18 avril 2008

Jacques Reclus et l'origine des Eglises Evangéliques en pays foyen

Il y a longtemps, une vieille foyenne me demanda de monter dans son grenier : « Vous y trouverez peut-être quelque chose d’intéressant ». Le grenier était vide. Mais dans un coin sombre, j’ai vu un gros cahier.

C‘était un « Cours d’Instructions Religieuses données dans l’école normale de Sainte-Foy du 1er décembre 1828 au - août 1830 ». Le pasteur Jacques Reclus avait donné ce cours aux élèves de la classe de rhétorique du collège protestant.

reclus_1    Une page du Cours d'Instructions Religieuses de Jacques Reclus.

Le grenier presque vide s’ouvrait sur les protestants foyens des années 1820, un petit troupeau compact et dynamique. En 10 ans, de 1820 à 1830, ce petit groupe à identité forte édifie le grand temple de Sainte-Foy, le temple des Bouhets, dans la commune des Lèves, crée le collège protestant et ouvre des écoles pour garçons et pour filles ; une efficacité remarquable non dépourvue d’un modernisme qui s‘exprime dans cette efflorescence d‘écoles et dans l‘architecture du temple de Sainte-Foy : il contient un volume considérable entre des murs étroits, de fines colonnes de fonte et une voûte de plâtre en plein cintre fixée sous la charpente.

En 1825, le pasteur Bourgade crée le collège protestant. La théologie qu’y enseigne le pasteur Reclus est celle que suivent les protestants du pays foyen. Pour eux, la Bible est la révélation littérale de la parole de Dieu. Ils considèrent que Jésus accompagne leur vie quotidienne, car, « en quelque lieu que se trouvent deux ou trois personnes assemblées en mon nom, je me trouve au milieu d'elles" ; c‘est le verset 20 du chapitre 18 de l‘évangile de Mathieu.

reclus_2    Le pasteur Jacques Reclus, dessin de Devéria.

Dans son cours, Jacques Reclus retrouve la pensée de Calvin, avec la sanctification et la communion.

Sur la sanctification, il cite plusieurs versets de la Bible. En voici un : “La sanctification est l’œuvre de Dieu et non pas de l’homme ; il est en effet impossible que l’homme la fasse ou qu’il y contribue en rien pas ses forces naturelles puis qu’il n’en a point pour le service de Dieu”.

Cet aspect du cours de Reclus est essentiel. La sanctification contribue à souder les “appelés” entre eux, en particulier au moment de la communion qui ne réunit que ceux à qui leurs “frères et sœurs” trouvent "un cœur pur et une bonne conscience". Jacques Reclus déclare : “Le repas de la charité est pour les disciples ou pour ceux qui font publiquement profession de l’être”.

Jacques Reclus applique ses convictions théologiques dans la paroisse de Montcaret qu‘il dessert ; il désigne les fidèles qui peuvent communier. Un jour, au moment de communier, il refuse la présence d’un paroissien qu’il juge indigne de se présenter devant Christ, ce qui provoque d’énormes remous !

Comment faire cesser ce scandale ? Le point de théologie affirmé par Jacques Reclus est-il intangible ? Le 26 avril 1831, le consistoire de Montcaret demande conseil à celui de Sainte-Foy. Celui-ci répond : “M. Reclus doit donner sa démission, et ... en cas de refus, le consistoire doit solliciter et poursuivre sa destitution auprès du Conseil d’État”.

Cette réponse tranche d’autres désaccords qui étaient apparus entre Jacques Reclus et les pasteurs foyens, sur la question de la sanctification par la foi ou par les oeuvres, et sur les relations entre une Église locale et l‘administration.

Le 4 juin suivant, Jacques Reclus démissionne, abandonnant du coup la rémunération qu’il reçoit de l’État. Le 31 juillet, avec le pasteur Samuel Henriquet et quelques fidèles, il crée “l’Église de Dieu qui s’assemble à la Nougarède”, dans la commune du Fleix.

Les statuts de cette église tiennent en une phrase : “L’Église déclare n’avoir d’autre règle de sa marche et de sa doctrine et n’adopte aucun autre code de discipline que la parole de Dieu, telle qu’elle est révélée dans les saintes écritures”.

Ses pasteurs son payés par les fidèles et non par l’État, comme l’avait prescrit les Articles organiques des cultes protestants (loi du 18 germinal an X, 8 avril 1802). La théologie imprégnant la vie de cette petite communauté est celle que Jacques Reclus enseignait à ses élèves du collège protestant.

Ce fut l’origine du courant évangélique en pays foyen.

En décembre 1831, Jacques Reclus et sa famille quittent le pays foyen et s’installent près d’Orthez. Le pasteur Reclus dessert « l’église indépendante » de Castétarbe.

En 1842, le cours d’Instructions religieuses de Jacques Reclus, légèrement modifié, est imprimé par K.-Cadaux, à Toulouse, sous le titre « La Religion Chrétienne, d’après la Parole de Dieu », sans nom d’auteur.

reclus_2

A la fin de sa vie, en 1905, Élisée Reclus évoqua ces événements et en particulier, la démission de son père : « Le pasteur Reclus était alors titulaire d’une petite Église à Montcaret. Tous le considéraient non seulement à cause de son mérite réel, mais surtout à cause de la position acquise, de ses relations de parenté, des hautes ambitions qu’on lui prêtait, et qu’il eût pu réaliser s’il l’avait voulu. Mais le pasteur Reclus n’était pas un homme ordinaire, se contentant de vivre selon le monde : il eut l’étrange fantaisie de vouloir vivre selon sa conscience ».

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Vivre selon sa conscience est resté le caractère essentiel des protestants évangéliques du pays foyen.

Je remercie Robert Darrigrand qui a lu cet article et m'a fait profiter de ses observations.   

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Commentaires
M
Le collège et le lycée Guienne de port ste-foy doivent avoir existé encore dans les années 1950.<br /> Est-ce pourriez vous m'indiquer ou me donner des informations historiques concernant cet établissement d'enseignement protestant.<br /> <br /> En vous remerciant<br /> <br /> bien cordialement<br /> <br /> Mathias Klemm<br /> 27, rue Bayard<br /> 31000 Toulouse
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T
Merci à ce blog et à son auteur de nous faire découvrir des pages de l'histoire que nous méconnaissons.<br /> Souvent, nous dédaignons ceux qui ne connaissent pas leur propre histoire, mais connaissons-nous la nôtre ?<br /> "Vivre selon sa conscience", ce fut le mot d'ordre des libéraux et des évangéliques (on dirait aujourd'hui ceux qui restent attachés aux dogmes et ceux qui n'en veulent plus).<br /> Mais oublier ces pages de l'histoire, la nôtre, ce serait être révisionniste : n'oublions pas que la laïcité fut l'oeuvre de pasteurs et de protestants libéraux.<br /> Si je n'ai pas de sympathie pour les doctrines du Réveil, j'admire néanmoins l'engagement de cette génération.<br /> Vivre aujourd'hui, et sans connaître notre histoire, serait la pire stupidité dont nous soyons capables.<br /> Vivre aujourd'hui, tout en connaissant notre histoire, nous aidera à préparer demain.<br /> Pierre-Yves
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F
sujet très interressant.merci, continu.<br /> françoise
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