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Le pays foyen
23 octobre 2008

Heureux Guillemeteau, de Thoumeyragues !

Il y a peu de temps, Jean-Michel Basset, le maire des Lèves-et-Thoumeyragues, m'a demandé des articles sur l'histoire de sa commune. Il a déjà été question de l'église de Thoumeyragues et de l'histoire du vignoble Hostens-Picant.

Aujourd'hui, voici une poésie qui brocarde Guillemeteau, un habitant de Thoumeyragues, dans les années 1640. C'est un document exceptionnel, le plus ancien de ce genre que l'on connaisse, pour le pays foyen.

L'original est conservé par les Archives municipales de Bordeaux, dans le fonds Delpit sous la côte ms 214.

Voici ce texte. J'ai respecté l'orthographe :

Réjouissances pour l'heureux retour du notable bourgeois de Tommeragues Guillemeteau, des armées du Roy en sa maison de la Roche.

Guillemeteau, l'honneur de son petit village

l'espérance et l'appui de son parentage

est arrivé du camp ; son père joyeux rit,

sa mère d'aise pètte, et sa femme lui dit

Guillemeteau, ma mie, ma petite couillette

Vous soyez bien venu dans nostre maisonnette ;

Le fils de Jean le Faure, monsieur Guillemeteau,

il est venu, compere, a tout son grand chevau,

gazouille le paysan, assis devant sa grange.

O qu'il a un beau pred pour toute la vandange.

Puis quelques jours après il se met sur les eaux

pour aller visiter les bourgeois de Bordeaux,

qui le voyant venir s'ammuttent comme les grües,

et ravis d'allegresse vont chantant par les rues,

HEUREUX GUILLEMETEAU, PLUS HEUREUSE LA FRANCE

D'AVOIR GUILLEMETE TELLE GUILLEMETANCE.

Cette pièce n'est pas signée. Les alexandrins bien balancés sont l'oeuvre d'un lettré, probablement d'un lettré campagnard.

C'est une écriture des années 1630, 1640. Mais peut-on utiliser ce constat pour dater ce document ? C'est peut-être la mise par écrit d'une poésie que l'on récitait ou que l'on chantait depuis des années, ou un document plus tardif rédigé par une main qui avait gardé une façon d'écrire vieillotte.

Guillemeteau revient des armées du Roi. A-t-il participé à des campagnes ? avait-il été député par les habitants de Thoumeyragues au camp des armées du roi pour accomplir quelque ambassade, y est-il allé pour visiter un ami ? Le texte ne le dit pas ; on le reçoit comme un héros mais ce ne sont pas des lauriers qu'on lui tresse : on se moque de lui !

Les Guilhemeteau étaient une vieille famille de Thoumeyragues. En 1554, Pierre Guilhemeteau y exerçait la profession de maréchal-ferrand. Ses descendants acquirent vite une certaine notabilité.

Le Guillemeteau  de la poésie est qualifié de notable bourgeois, demeurant en sa maison de la Roche. En 1615, on trouve un Jehan Guillemeteau, qualifié de maître.

Un acte de 1621, donne des précisions : il s'agit de maître Guilhemeteau, sieur de la Roque, habitant à Thoumeyragues, à la Roque.

Jehan Guilhemeteau meurt avant 1626. Cette année, ses deux fils, Manasse et Jehan ont été condamnés à payer une très forte somme (129 livres, le prix d'une bonne douzaine de vaches), dans le cadre de la réformation du domaine du roi. Sont-ils aisés ? disposent-ils de revenus substanciels ? Je l'ignore.

J'ai retrouvé l'état des biens de Manasse Guillemeteau pour 1634 : une grange, sol et terre, contenant 4 journaux et 1/2, 18 escats, une maison, pré et caneval de même surface, une petite vigne, une terre et une pièce, le tout contenant 20 journaux 17 escats, c'est-à-dire, approximativement, 8 hectares et 38 ares.

En 1638, les héritiers de Pierre Guilhemeteau, faure (forgeron) possédent un demi journal de terre à Saint-Quentin de Caplong. Ils figurent sur le rôle des capitations de cette année :

guilhemeteau

Qui est ce Guilhemeteau, malheureux héros de la poésie ? Jehan le père, Jehan le fils, Manasse ou un petit-fils de Jehan le père ? Encore une question qui reste sans réponse.

Je relis cette poésie truculente, son titre ronfle, il claque comme une bannière officielle qui précède le héros ridicule et fanfaron d'un petit village. Les membres de sa famille expriment leur émotion, chacun à sa façon : son père rit, sa mère pète d'aise, sa femme l'interpelle, ma petite couillette... Quand au voisin, il donne à croire que notre héros est devenu cocu : Le fils de Jean le Faure, monsieur Guillemeteau, il est venu, compere, a tout son grand chevau.

Qui était ce Jean le Faure ? En 1637, un voisin des Guilhemeteau, Jean Pellon, était surnommé le Faure. N'insistons pas, lui ou un autre, qu'importe, retenons le persiflage gazouillé par le voisin.   

Que signifie ce vers : O qu'il a un beau pred pour toute la vandange ? De quel pré et de quelle vendange s'agit-il ? Faut-il voir dans cette métaphore quelque mignardise d'amour, pour reprendre une expression de Béroalde de Verville ?

Enfin, Guilhemeteau ne peut recevoir sa pleine gloire qu'à Bordeaux. Les derniers vers du poème pastichent les textes et les gravures représentant les entrées royales dans les villes. Ils préparent le jeu redondant sur le nom de Guilhemeteau, dans les deux derniers vers :

HEUREUX GUILLEMETEAU, PLUS HEUREUSE LA FRANCE

D'AVOIR GUILLEMETE TELLE GUILLEMETANCE.

Ne soyons pas surpris par le vocabulaire et le tour des idées qui nous représentent ce brave Guilhemeteau. Lorsque, vers 1632, le médecin foyen Faure eut obtenu de Louis XIII l'autorisation de faire raser les murailles de Sainte-Foy, il adressa une lettre enthousiaste aux consuls de la ville pour leur annoncer la bonne nouvelle. Voici la fin de sa lettre : Pour moi, je ne veux pour le fruit de mes travaux que la jouissance d'une pleine liberté, laquelle je peux trouver dans les embrassements de ma maîtresse ; je partirai bientôt et apporterai toute peine nécessaire pour le contentement d'icelle et de la communauté.

Ah, qu'en termes galants ces choses-là sont dites !

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Commentaires
B
Très surprenant ma grand mère s'appellait guillemeteau de roche
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M
Tout ce raffut pour Guilhemeteau, et bien raconté, merci !
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