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Le pays foyen
17 novembre 2008

Les protestants évangéliques et la Bible

Il y a bien longtemps, j'avais acheté à l'antiquaire de Montcaret un petit pot en terre, extérieur noir et intérieur en émail blanc. Il ressemble aux productions de la faïencerie de Montpeyroux. Le marchand m'avait indiqué qu'il provenait d'une vieille famille de Montcaret.

Ce pot était plein de rouleaux de papier portant des versets de la Bible.

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Le pot contient environ 200 rouleaux de papier. La plupart présentent une même qualité de papier et une même écriture que l'on peut attribuer aux années 1840-1850. Plusieurs versets ont été rédigés par la suite sur un papier plus épais. Deux rouleaux ont été faits à la fin du 19e siècle dans une couverture de cahier d'école.

Beaucoup de versets sont extraits de l'Ancien Testament. Ils exaltent la soumission à Dieu, les souffrances que le chrétien endure pour sa foi, la rédemption et la promesse de la rencontre ultime avec Dieu.

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Chaque jour, et quand le besoin s'en faisait sentir, on prenait un rouleau au hasard, et le verset qui y est inscrit donnait à réfléchir aux préoccupations du moment. Prendre un verset de la Bible au hasard est une façon de converser avec Dieu. On pouvait aussi ouvrir sa Bible au hasard. Le comte Zinzendorf et les Frères Moraves apprécièrent cette façon de recevoir la parole de Dieu.

Cette pratique était courante chez les protestants évangéliques. Il enracinaient leur foi dans la Bible, rien que la Bible, mais toute la Bible. C'est ce qu'exprime le pasteur Henriquet lorsqu'il crée la première église évangélique du pays foyen, à la Nougarède, près du Fleix, en juillet 1831 :

L'église déclare n'avoir d'autre règle de sa marche et de sa doctrine et n'adopte aucun autre code de discipline que la parole de Dieu, telle qu'elle est révélée dans les Saintes Ecritures.

On se rend compte que chaque église était un petit groupe à identité forte, avec pour bon berger, un pasteur intransigeant.

En 1849, l'église de la Nougarède s'unifie à l'église libre de Sainte-Foy qui vient d'être créée. Ces églises sont dynamiques, elles essaiment autour de Sainte-Foy. Du 2 au 4 juillet 1850, elles organisent un synode à Bordeaux, qui regroupe les églises de Bordeaux, Bergerac, Clairac, la Force, Montendre et Sainte-Foy.

Le 30 juillet suivant, un nouveau synode se tient à Sainte-Foy, dans le temple aménagé dans une maison qui fait l'angle de la rue Notre-Dame et de la rue de la Mer (rues des Frères-Reclus et Denfert-Rochereau). Survient un événement inouï : un certain nombre de catholiques-romains envahirent le local où siegeait le synode de l'Union des Eglises Evangéliques de France, firent des menaces et emportèrent deux Bibles qu'ils brûlèrent publiquement sur la place du marché.

Je n'ai pas trouvé mention de ce scandale dans les registres de délibération des églises réformées de Sainte-Foy.

Cependant, les Evangéliques réagissent selon leur coeur et leurs habitudes. Ils récupèrent un fragment de la Bible brûlée. La parole de Dieu s'y exprime, comme pour commenter l'événement. Le synode en entendit la lecture avec admiration et actions de grâces.

Pour prolonger leur admiration et leurs actions de grâce, les membres du synode font aussitôt imprimer le fac-simile du fragment brûlé.

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On lit : Car cela est agréable à Dieu lorsque quelqu'un par un motif de conscience endure de mauvais traitement en souffrant injustement. Autrement, quelle gloire serait-ce pour vous si étant battus pour avoir mal fait, vous l'enduriez ? Mais si en faisant bien vous êtes maltraités, et que vous le souffriez patiemment, c'est à celà que Dieu prend plaisir.

Et aussi :

Aimez-vous les uns les autres d'un coeur pur avec une grande affection.

Les protestants évangéliques ont ouvert leur Bible au hasard et ont parcouru des recueils de versets bibliques jusque dans les années 1960.

Que reste-t-il aujourd'hui de cette pratique ? Peu de choses. Quelques familles utilisent encore un éphéméride donnant chaque jour un verset. Plus émouvants, ces panneaux disposés sur les murs du temple de Montcaret : chacun donne un verset. Ils sont accrochés au mur depuis plus d'un siècle. Ils témoignent à leur manière d'un contact direct et personnel que chaque évangélique établissait jadis avec son Dieu.

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Commentaires
L
Ce qui est décrit plus haut me rappelle que Dans le très beau roman "les Thibault" de Roger Martin du Gard, il y a un personnage, madame de Fontanin, prostestante, qui lit sa bible de cette manière..<br /> A force, cette bible s'est cassée et s'ouvre au même endroit...
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