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Le pays foyen
29 novembre 2008

La soupe de citrouille en pays foyen

La recette de la soupe à la citrouille ? A Sainte-Foy la Grande et dans ses environs, il y en a certainement autant que de familles dans lesquelles on la prépare et on la savoure.

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au marché de Sainte-Foy

Demandez sa recette à une dame du terroir. Elle ne manquera pas de vous dire qu’elle la tient de sa mère, qui elle-même, etc… jusqu’où remonterait-on ainsi ? Cette recette est-elle restée inchangée pendant des siècles ? Je vous montrerai qu‘il n‘en est rien. Comme tant de choses, la soupe à la citrouille a été régulièrement mise au goût du jour.

Cependant, il faut inscrire cette recette dans la longue liste de ce que les mères apportent à leurs enfants, à commencer par la vie et sans oublier quelques principes de morale et beaucoup d‘affection.

Quelle que soit la recette, on mange la soupe de citrouille en famille et en silence tellement elle est bonne : n’est-ce pas la recette de ma mère qui, elle-même, la tenait de sa mère, et ainsi de suite ? Il y a des silences remplis de pensées et de sentiments que l’on n’exprime pas. N’achetez jamais de soupe de citrouille toute prête et conditionnée « en brique » : vous perdriez le bénéfice d’un rite familial.

Vous trouverez des milliers de recettes de soupes à la citrouille sur le net. En voici une, « familiale », que me donne Hélène :

Tu prends :
1 ou 2 oignons jaunes
1 ou 2 pommes de terre
de la citrouille, la quantité je ne sais pas, je fais toujours à l’œil.. Environ un saladier de taille moyenne plein.

Faire frire les oignons dans un fond d'huile (celle qu'on veut), dans une cocotte ou une grande marmite. Pendant ce temps, peler les pommes de terre et la citrouille (enlever les graines de la citrouille bien sûr), les couper en morceaux. Quand les oignons sont bien dorés, ajouter la citrouille et les patates, couvrir d'eau. Sel, poivre. Quand c'est cuit (on plante facilement un couteau dans les morceaux de pommes de terre), sortir du feu et mixer. C'est bon !
On peut rajouter si on veut des épices, curry, cumin, 5 épices...

Cette bonne recette n'est pas traditionnelle. Comme dans bien des cas, la préparation des ingrédients, le procédé de cuisson, le temps de préparation et l’ajout de condiments ont modifié les pratiques ancestrales. A force de modifier, on obtient des recettes qui auraient rebuté nos anciens.

C’est le cas de cette recette que je lis dans l’ouvrage d’Anne Vianey, « Soupes », paru aux Editions Solar en 2004 : on y met une branche de céleri, deux cuillerées à soupe de crème fraîche et une cuillerée d’huile d’olive et, « servie dans l'écorce du potiron, cette soupe campagnarde devient spectaculaire ».

Les vieux foyens vous diraient : ne mettez jamais de céleri dans la soupe à la citrouille, parce que le céleri cache et gâche le goût de la citrouille. N’ajoutez jamais de crème fraîche ni d’huile d’olive : ce sont des douceurs inutiles. Pour une paysanne, j‘ai failli écrire, pour une « campagnarde« , c’est une recette tape-à-l’œil destinée à des citadins qui n’ont jamais vu une citrouille dans un jardin. C’est le rat des champs contre le rat des villes !

En fait, vous pouvez utiliser tous les légumes de saison sauf le céleri. Mais...

Mais, les recettes traditionnelles comprenaient seulement la citrouille et, éventuellement, un liant : la pomme de terre est le plus ancien ; le riz apparaît à la fin du 19e siècle et le tapioca dans les années 1930.

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Je vous donnerai pas de recettes foyennes complètes et « certifiées » ; mieux, voici la base du savoir-faire local et ancien :

Il faut préparer un hachis avec de l’oncture et de l’ail. Ne cherchez pas le mot oncture dans un dictionnaire ni sur le net : il n'y est pas. L’oncture est une sorte de lard très doux. Vous le trouverez à la charcuterie Merlet, rue Victor Hugo, à Sainte-Foy.  Dépêchez-vous d’y aller avant que Jean-Pierre Merlet ne prenne sa retraite. A part, on fait cuire de petits morceaux de citrouille dans de l’eau. Au dernier moment, on ajoute le hachis et on trempe la soupe sur des morceaux de pain. Pas de fantaisie, ne faites pas griller les bouts de pain. Jadis, on ne mangeait pas de pain frais : « il fait mal au ventre et il se digère mal », disaient les anciens. On achetait une belle miche qu’on laissait rassir deux ou trois jours avant de l’entamer. C’est ce pain qu’il vous faut ! C’est la recette la plus ancienne que j’ai trouvée. Cette façon de procéder permet de bien distinguer les goûts de la citrouille et du hachis.

Le paquet d'oncture chez Jean-Pierre Merlet, et une tranche d'oncture :

oncture_001

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La variante plus récente, du 19e siècle, quand même, est de faire cuire la citrouille, avec son eau et le hachis.

Maintenant, essayons de dégager quelques éléments sur l’histoire de la soupe de citrouille.

Le hachis a certainement remplacé le bouillon qui est toujours préparé avec des morceaux de viande ou des os. Il est probable que les petites gens se contentaient d’un hachis alors que les personnes aisées avaient les moyens de faire préparer un bouillon. Toutes les recettes de soupes données par A. Viard dans son « Cuisinier Impérial », publié à Paris en 1810, sont préparées avec un bouillon. En 1907, Julius Maggi breveta son fameux « Bouillon Kub ». Quelle ménagère préparera aujourd’hui un fond d’os alors qu’il est si simple de jeter des bouillons Kub dans l’eau de cuisson ? En pays foyen, longtemps, on a continué d’ignorer le bouillon Kub. On faisait un hachis de lard et d’ail. Les gourmets préféraient l’oncture au lard.

cuisinier

Seconde question pour laquelle j’ai peu d’informations : comment préparait-on la soupe à la citrouille quand on utilisait la cheminée, et elle seule, pour préparer les repas ? Le « Cuisinier Impérial » donne une indication. Pour la plupart des soupes, on cuisine les légumes à part et on ajoute le bouillon chaud au moment de servir. Ce qui permet de mieux distinguer le goût des légumes. Il en reste cette habitude, dans quelques familles, d’ajouter le hachis juste avant de servir la soupe. Madame Gourd, aux Bournizeaux procédait encore de cette façon, il y a un siècle. Et elle cuisinait sur le feu et les braises de la cheminée.

Quelle recette vais-je vous conseiller ? Si vous voulez faire une soupe à la mode foyenne, achetez une citrouille et de l’oncture. Faites un hachis avec de l’ail et, à partir de là, improvisez à votre goût. Mettez des poireaux, des carottes, un petit navet, des oignons, des haricots blancs en grain, si vous voulez. Et si vous voulez que votre soupe reste « campagnarde, évitez le céleri, la crème fraîche et le bouillon Kub.

Et maintenant, à vous de jouer !

Jeannine Chateau, de Saint-Jean de Duras m'affirme qu'on mettait toujours le hachis au dernier moment dans la soupe : c'est la façon de faire traditionnelle. Elle précise que les ouvriers mangeaient la soupe pour leur petit déjeuner, avant de partir au travail des champs. On appelait ce repas le déjeuner dinatoire. La ménagère mettait les morceaux de miche dans la soupière, trempait la soupe et ajoutait le hachis.

Quand le repas était fini, elle mettait la soupière sou la couette du lit pour que la chaleur se conserve jusqu'au soir et que le pain garde sa consistance.

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Commentaires
S
Bonjour<br /> je confirme aussi, ma grand mere foyenne trempait la soupe, elle versait le bouillon sur le pain, une miche de plusieurs jour le pain se mangeait pas frais - ca fait mal au ventre !- et dur on pouvait le couper en tranche fine avec un grand couteau.<br /> le hachi etait bien mis en dernier, moi je me souviens qu elle le mettais d abord et versait le bouillon dessus mais j y mettrai pas ma tete a couper je croyais qu'il y avait du persil dans le hachi
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S
Bonsoir,<br /> <br /> Depuis que j'ai découvert votre blog pour mes recherches généalogiques, je passe beaucoup de temps à vous lire.<br /> Merci, pour toutes les découvertes de j'y fait...Elisée Reclus, Broca, La grosse tête de maitre Bouny. J'attend avec impatience que vous fassiez un article. Maintenant que vous m'en avez parlé, je suis curieuse....<br /> Bref, je voulais, du fond de ma Vendée, apporter ma contribution à la cuisine des citrouilles.<br /> <br /> Je fais cuire les morceaux de citrouille directement dans du lait 1/2 écrémé avec du sel et du poivre et surtout du Gingembre en poudre.<br /> Goûter et doser selon son envie!<br /> Au moment de servir j'ajoute un gros morceau de beurre dans l'assiette et quelques croutons.<br /> On peut aussi mettre du fromage rapé.<br /> <br /> A déguster bien chaud, comme il se doit.<br /> " Surtout en ce moment !"
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K
En lisant le titre de l'article, je me de suite dit que j'allais te donner ma recette, mais je vois qu'Hélène m'a devancée... <br /> Je rajouterai donc simplement qu'une fois dans le bol, on peut compléter la soupe de quelques morceaux de gruyère et/ou d'une lichette de crème fraiche!
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C
J'irai acheter de l'oncture chez M. Merlet. Je ne connais ni ce mot, ni ce produit.
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S
Cette soupe à la citrouille, une histoire savoureuse ! Je vais suivre vos conseils.
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