1909 : les débuts du Stade Foyen

Le Stade Foyen est créé le 21 avril 1909. Son berceau, c’est Mourennes, à Pineuilh.

Le Stade a pour but :

1 - La propagation du sport par l’organisation de fêtes publiques.

2 - Initier la jeunesse à l’hygiène du corps et au développement des forces physiques, avec pour mobile patriotique les services qu’en attendent d’elle la Patrie et l’Armée.

3 - Préparer les jeunes gens au brevet d’aptitude militaire .

Le mot « rugby » ne figure pas dans les ses statuts. Le Stade ne tourne pas le dos au rugby, il le pratique !

Les statuts reprennent des thèmes forts : l’hygiène corporelle par le sport et le vieux désir de revanche contre l’Allemagne qui a vaincu la France à Sedan, en 1870.

L’origine lointaine du Stade, c’est la création à Mourennes, d’un « gymnase médical et orthopédique« par Jean Numa Gaulhiac, en 1872.

La démarche est d’un modernisme étonnant. A Mourennes-les-Douches, on peut prendre des douches et des bains ! Car on ne se baigne jamais, à l’époque. On se lave un peu, certains vont jusqu’à se laver régulièrement. Pour les médecins avant-gardistes, les bains et les douches sont une thérapie : ils les prescrivent sur ordonnance.

Jean Numa Gaulhiac partage cette opinion et qualifie son établissement d’ »hydrosudothérapique ». Il embauche un professeur de gymnastique, un autre d’escrime ; il ouvre une section de tir et définit ses buts :

1 - Fortifier le corps par le sport.

2 - Préparer au devoir de soldat.

3 - Apprendre le respect de son corps par la propreté.

37 ans plus tard, en 1909, le Stade Foyen reprend ces thèmes et beaucoup plus.

Le gymnase Gaulhiac ferme en 1896.

Aussitôt, se crée le Sport Athlétique Fidéen.

Une équipe de rugby est constituée. Le premier matche se déroule le 5 février 1905, contre Bergerac.

Sainte-Foy, écrabouillé par 21 à 0, ne se décourage pas. Le second matche l’oppose à Libourne. Sainte-Foy perd 8 à 3. Bergerac et Libourne, déjà…

Vous l’avez remarqué, à l’époque, on ne dit parle pas de « rugby » mais de « Football rugby ».

Et pour ce premier matche qui est un événement, le club change de nom. Le « Sport Athlétique Foyen » devient le « Sainte-Foy Athlétic Sport ». Ça fait british, rugby oblige !

En 1909, le Sainte-Foy Athlétic Sport se dissout. Ses adhérents se retrouvent au Stade Foyen qui vient d’être créé.

1909... C’est la Belle Époque !

Yvette Guilbert fait un come-back réussi. Rappelez-vous, c’est la Goulue, immortalisée par Toulouse-Lautrec…

 

A Sainte-Foy, les dames restent collet monté mais on sait s’amuser :

L’époque prend la vie du bon côté, et si l’on fait les gros yeux,

C’est pour la bonne cause !

Je ne sais pas si Ouvrard, le chanteur comique bergeracois, a joué au rugby dans le club de sa ville. Il vient régaler les foyens et il fait un tabac dans la France entière.

Sainte-Foy est une ville dynamique. Elle déborde d’artisans, de commerçants, de négociants en vins et d‘employés.

On travaille dur : un seul jour de repos par semaine, le dimanche. Dans chaque quartier, on croise des bandes de gosses.

La vie s’écoule entre le travail, les relations de famille et de voisinage, et les deux salles de spectacle, qui ouvrent plusieurs fois par semaine, le Casino Rey et la salle Plaisance.

A la campagne, on travaille dur, sauf quand le photographe vous demande de poser avec votre attelage de bœufs, ici à Saint-André et Appelles,

A Vélines, le photographe a fait poser le bouvier, son attelage, sa femme et ses enfants, j‘ai failli dire toute la famille !

Les filles sont aussi belles au Fleix qu’ailleurs.

Elles sont belles et elles le restent ! La Reine du bal du Stade et ses dauphines, en février 1938, nous le prouvent :

Et les garçons ? Chacun fait assaut de talents, d’élégance et d’énergie. Les copains se retrouvent au bal, ils font virevolter leurs cavalières et chavirer les cœurs. Voici une affiche du bal des tonneliers. Vous ne verrez pas celles du bal des menuisiers, ni des garçons coiffeurs, et cetera, il y en aurait trop !

Et le dimanche, l’arbitre de touche officie en costume trois pièces et chapeau melon. Le voici, sur une photo de 1910 :

Mais sur le terrain, « Nous étions des brutes », dit avec dérision Henri Dupuy qui joue dès 1909.

Ecoutons Henri Dupuy : « Une bonne partie de l’opinion publique était plutôt hostile au rugby. Ce jeu, il faut bien le dire, était un peu viril et si on y ajoute tant soit peu d’excès, l’opinion publique avait alors tôt fait de traduire le mot viril en celui de « brutalité ». Nous étions des brutes, c’est pourquoi, lorsque notre équipe se déplaçait pour aller matcher Montpon, la moitié sur leur vélo et les autres entassés dans une voiture d’un voiturier de la ville, ou que par fer, ils allaient vers Bergerac ou bien Libourne-Bordeaux, il n’y avait personne autre que des dirigeants qui fit attention à leur départ ou à leur arrivée ».

Le premier terrain de rugby se situe à Mourennes.

Ce n’est pas celui sur lequel nos anciens ont joué. C’est le pré à vaches qui est en face, de l’autre côté de la route. Le dimanche, à midi, le paysan enlève ses vaches mais laisse les bouses. Place au rugby. Les joueurs se changent dans la grange, la rencontre commence, gaffe aux plaquages ! On ira se laver à la pompe... Et ça dure jusqu’en 1921 !

Ils en veulent, les Stadistes ! En 1910, ils remportent leur championnat et Auguste Grenouilleau écrit :

Ils sont champions de Gironde,

De la Dordogne et plus encor.

Oui, leur constance fut féconde !

Ils sont champions de Gironde.

C’est un titre envié du monde

Qui peu s’inscrire en lettres d’or.

Ils sont champions de Gironde,

De la Dordogne et plus encor.

C’est ainsi qu’avec l’arrivée du rugby en pays foyen, et la création du Stade Foyen, commença une longue histoire faite d’acharnement et de satisfactions profondes.

Comments

[Pierre]

Superbe évocation des débuts du Stade Foyen ! Merci.