Otages en 1941
Monsieur Lucien Bagardie m'envoie ce message :
recherche désignation otages Biarritz en 1941
Je recherche des renseignements sur la désignation d'otages dans les différents quartiers de Biarritz suite à attentat d'un membre des forces d'occupation en 1941. Peut-être est-ce mentionné soit dans le journal La Petite Gironde, soit le journal "la Gazette de Biarritz".
Aucune trace ne semble avoir été conservée dans les archives communales.
Merci d'avance
Je feuillette l'année 1941 de la Petite Gironde. Cette collection est presque complète, il ne manque que 14 journaux.
Il s'agit de la 20ème édition qui couvre Bordeaux et le département de la Gironde. Quelques journaux en double sont de la 15ème édition, Lot-et-Garonne, Auch, Concom, etc. Les mêmes encarts allemands se retrouvent dans ces diverses éditions, le même jour.
J'ai relevé tous les avis, appels et proclamations des autorités allemandes.
La décision de prendre des otages que l'on fusillera date le 21 août. Le 28 octobre, Hitler décide de suspendre l'exécution d'otages complémentaires après les attentats de Nantes et de Bordeaux. Vichy exprime son "soulagement" et précise son attitude face aux "terroristes". Il en sera question plus loin.
La première proclamation retrouvée paraît en première page de la Petite Gironde du 29 janvier 1941. Elle émane du "Chef des Militaerverwaltungsbezirks Bordeaux", le "Generalleutenant" Von Faber du Faur. Il ne s'agit pas encore d'otages fusillés, mais d'une lourde amende financière qui frappe "la population tout entière" de la ville de Bordeaux :
Ensuite, ancun encart des occupants de paraît jusqu'au mois d'août. Le 21 août, le Général lieutenant Von Schaumburg signe un "Avis à la population" que la Petite Gironde publie le 24. C'est la mise en place du système de la prise d'otages dont "un nombre correspndant à la gravité de l'acte criminel commis sera fusillé".
Dans ce seul cas, un bref commentaire justifie la légalité de la procédure, découlant des "clauses de l'armistice" et incite "la grande majorité des Français à réfléchir et à ne pas se laisser entraîner par des agents à la solde de puissances étrangères dont l'unique but est de créer des incidents avec les troupes d'occupation". Cette périphrase vise surtout les communistes.
Cet "Avis à la population" du 21 août 1941 préfigure l'ordre signé le 28 septembre suivant par le général Von Stulpnagel, ordre que l'on nommera par la suite "le code des otages".
Sero,t désormais considérés comme otages :
- L'ensemble des Français détenus par un service allemand pour quelque motif que ce soit, ou par un service de la police française pour activité communiste ou anarchiste.
- Les Français qui purgent une peine dans les prisons françaises à la demande des autorités d'occupation.
- Les Français arrêtés par les services français à la demande des forces d'occupation, ou remis par elles aux services français.
Roger Terrisse, qui donne ces précisions, ajoute que ces dispositions sont contraires à la quatrième Convention de la Haye du 18 octobre 1907 - Roger Terrisse, Face aux pelotons nazis, Souge, le Mont Valérien du Bordelais, Aubéron, 2000.
Dès septembre, la Petite Gironde commence à publier la liste des otages fusillés en représaille d'attentats divers ou de possession d'armes prohibées et de tracts communistes : 10 dans le mois.
Publié le 8 septembre 1941 :
14 septembre :
15 septembre :
17 septembre :
18 septembre :
20 septembre :
22 septembre :
25 septembre :
29 septembre :
La lecture de ces premières pages de la Petite Gironde, de janvier à septembre 1941, a de quoi éreinter moralement. Autant les parcourir avec un autre regard. L'information mélange de petits faits qui touchent à la vie quotidienne, des événements marquants et des événements historiques - comme la grande presse actuelle...
La propagande s'y fait subtile. Les grande envolées sont réservées aux voyages, aux déclarations et aux décisions du maréchal Pétain. Le reste se partage entre ce qui est "normal" et ce qui ne l'est pas. Avec l'armistice, l'occupation et surtout la collaboration pour critères. Cette norme s'étend à des domaines aussi variés que la loi, la justice, la morale, le "redressement", "l'identité nationale", la répression et la persécution qui s'abattent sur les Français de confession juive, sur les Juifs en général, etc...
En octobre, la répression s'accentue. La Petite Gironde publie une quinzaine d'encarts allemands. Après des "attentats" commis à Nantes et à Bordeaux, cinquante otages sont fusillés. Il est prévu d'en fusiller cinquante autres mais Hitler sursoit à leur exécution.
Voici les encarts du mois d'octobre.
Le 1er octobre :
Le 6 octobre :
Le 9 octobre :
Le 11 octobre :
Le 13 octobre :
Le 15 octobre :
Le 16 octobre :
Le 17 octobre :
Le 18 octobre :
Le 22 octobre :
Le 23 octobre :
Ce même 23 octobre :
Le 24 octobre :
Le 27 octobre :
Le 30 octobre :
A Bordeaux, 50 otages sont aussitôt fusillés au camp de Souge.
La répression ne freine pas les attentats contre les Allemands et donnent une impression épouvantable aux populations françaises. Les autorités d'occupation, partagées entre attentisme et activisme, ont recours à la dénonciation.
Le 1er novembre :
Le 7 novembre, le gouvernement de Vichy légifère sur "les individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique", officialisant ainsi la prise d'otages :
Le 19 novembre :
Les exécutions d'otages n'ont pas cessé, mais la presse n'en publie les avis qu'à partir du mois de décembre.
Le 12 décembre :
Le 15 décembre :
Le 22 décembre :
Le 25 décembre :
Et, le 31 décembre :
Je n'ai pas pu répondre à la demande de M. Lucien Bagardie : aucun de ces avis ne mentionne d'otages fusillés à Biarritz.
On constate que les encarts allemands publiés dans la Petite Gironde concernent des otages fusillés dans diverses localités de la zone occupée, certains au Mont Valérien près de Paris, d'autres au camp de Souge près de Bordeaux, etc.
Beaucoup d'exécutions ne sont pas signalées et, pour celles qui le sont, le nom des victimes et leur domicile ne sont pas toujours mentionnés.
On dispose d'informations précieuses : l'ouvrage d'André Terrisse sur les 257 fusillés du camp de Souge et, sur le net, la liste des fusillés du Mont Valérien.
En 1991, Arsène Tchakarian avait publié "Les fusillés du Mont Valérien". Sur les otages et les exécutions de Biarritz, je n'ai aucun document. Je n'ai pas consulté la presse locale ni les archives départementales.
Les camps du Sud-Ouest de la France ont-ils livré des otages exécutés par l'occupant ? Le colloque qui leur a été consacré en 1990, sous la direction de Monique-Lise Cohen et d'Eric Malo (actes publiés en 1994), porte en sous-titre : "exclusion, internement et déportation", et ne mentionne pas d'exécution d'otages.