A propos d'un prétendu séjour du général de Gaulle à Sainte-Foy

Hier, un visiteur m'annonce une grande nouvelle : à la fin de la seconde guerre mondiale, de Gaulle a couché dans un hôtel, à Sainte-Foy.

Impossible, de Gaulle n'est jamais venu à Sainte-Foy.

Mon interlocuteur est troublé : "Ce que je dis est la vérité, puisque je sais qu'il a couché dans la chambre n° 8, et j'ai vu la chambre". Ce sont des raisons devant lesquelles on devrait s'incliner. Pourtant, j'insiste. Du 23 au 25 juillet 1948, de Gaulle fait un voyage dans l'ouest et le Sud-Ouest. Les 24 et 25 septembre 1949, il vient en Gironde. Mais pas à Sainte-Foy. Rien n'y fait.

C'était inutile de préciser que ces voyages officiels étaient surveillés par un service d'ordre impressionnant. Mon visiteur répond que, de Gaulle craignant un attentat, était venu à Sainte-Foy incognito, seul ou presque, et avait passé la nuit à l'hôtel. Chambre n° 8. J'abandonne.

De toute façon, je savais par ailleurs que de Gaulle était venu à Sainte-Foy, c'est ce qu'a expliqué un voisin à son acheteur, quand il lui a vendu sa maison : "c'était la maison du chef de la Résistance de Sainte-Foy et, après la guerre, de Gaulle y a couché.

Plus le temps passe et plus il y aura, en France, de maisons dans lesquelles de Gaulle a couché et de chambres n° 8.

Il aura beaucoup dormi, le général. Je dois dire que cette façon d'aborder l'histoire m'agace : on cache une réalité dense derrière des billevesées gratifiantes. C'est étrange, mon visiteur était fier d'être une des rares personnes à savoir que de Gaulle avait dormi dans notre bonne ville. Un moment, il était prêt à me croire mais... : "On ne se connaît pas assez, me dit-il, pour que je te crois.

C'est ainsi que nos anciens acquéraient des certitudes admirables. "Je le tiens de deux personnes de confiance et qui ne se connaissent pas, donc, c'est vrai", disaient-ils. Mon visiteur et moi, nous sommes passés à côté de la vérité historique ; mais j'ai pu observer une forme désuète et rare de transmission du savoir.

J'ai eu la chance de croiser quelques personnes qui transformaient en billevesées des bribes d'histoire. Et qui s'en trouvaient bien.

Un vieux monsieur ragaillardi d'avoir appris que l'amiral de Coligny avait séjourné à Sainte-Foy. Le nom d'un café, me disait-il, marquait encore l'évènement : l'Amiral.

Le chercheur spécialisé dans les routes napoléoniennes : "les routes napoléoniennes longeaient souvent des ruisseaux à truites, et comme les ruisseaux à truites sont très profonds"... Je n'ai pas compris l'articulation entre les routes napoléoniennes, les ruisseaux à truites et leur profondeur. Le chercheur, lui, savait où aller et comment s'y rendre. Pendant une semaine, il a consulté les archives municipales, il a photocopié beaucoup de documents et il est parti sans payer sa note d'hôtel, en y laissant ses photocopies. 

J'ai rencontré beaucoup d'autres personnes qui modelaient l'histoire à leur convenance. Des arts-brutistes de l'histoire. Je vous parlerai un jour.

Un témoignage sur la période 1942-1945 :

Jeanne Pouquet est la mère de Simone, l'épouse d'André Maurois. Durant ces années, elle demeura dans son château d'Essendiéras, à proximité d'Essendiéras.

Il y est question des voyages que de Gaulle fit en France, après la Libération.

Comments

[cyrlab]

Effectivement, il est bien venu à St Antoine de Breuilh chez Louis de Labardonnie (résistant du pays foyen). Je sais qu'il existe des photos de De Gaulle sur le péron de la demeure.
Par ailleurs, mon grand-père lui a fait la quête lors d'une messe

[Joël]

Il me semble que le Général Charles de Gaulle est passé au Château Laroque en 1947 chez Louis de LA BARDONNIE. Ce n'est pas très loin de Sainte Foy, certaines personnes ont peut-être "arrangé" l'histoire à partir de cet événement.