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Le pays foyen
15 février 2011

Plaque commémorative et les problèmes de la mémoire

Les problèmes de la mémoire.

C'est sous ce titre générique que le cahier des Amis de Sainte-Foy "Les Juifs à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde), 1939-1945 "Témoignages", présente, entre autres, "le lieu de mémoire de Sainte-Foy-la-Grande".

Il s'agit d'une plaque portant le nom des six Juifs assassinés par les sbires de Besson-Rapp. Elle a été posée sur un socle, au jardin public, près de la pierre massive donnant le nom de résistants foyens morts pendant la dernière Guerre Mondiale.

L'article esquisse l'histoire de cette plaque à grands traits, présente des aspects erronés ou méconnaît des faits patents.

Pierre Lart, maire de Sainte-Foy de 1959 à 1989, refusa de faire apposer une plaque commémorant cet événement affreux. Il opposa une fin de non-recevoir à deux demandes que lui fit Jacques Braitberg. Lorsque la commune du Fleix prit l'initiative d'une commémoration, en 1987, et procéda à l'inauguration du monument du Soleilhou en août 1988, il refusa de faire de même à Sainte-Foy.

Pendant la guerre, Pierre Lart était jeune directeur de l'hôpital de Sainte-Foy. Il occupa une place de premier plan dans les événements de la première quinzaine d'août 1944. Il n'ignorait rien des événements du 5 août 1944.

Avec la municipalité présidée par M. Maumont, le refus fit place à une acceptation. M. Jean-Moïse Braitberg reprit les demandes de son père Jacques en juillet 1992 puis en août 1994. La plaque fut enfin réalisée et inaugurée en février 1995. Ce n'est pas la plaque que l'on voit aujourd'hui, ni le texte donné parge 141 du cahier. Il y avait bien les six noms des victimes et non huit noms, avec "Jourkévitch", sans le "o". Par la suite, à la demande de M. Simon Jourkévitch et de Mme Berthe Stern, cette erreur fut rectifiée sur la plaque même. 

L'inauguration s'était déroulée en comité restreint : les familles des victimes ne furent ni contactées ni invitées.

Pour une raison que j'ignore, cette plaque fut enlevée et remplacée par une autre comportant des erreurs grossières : la date, huit noms au lieu de six... Elle fut de nouveau inaugurée en comité restreint sans que les familles des victimes aient été contactées ni invitées.

M. Simon Jourkévitch protesta contre les erreurs grossières auprès de la municipalité de Sainte-Foy et de la LICRA de Bordeaux. La vice-présidente de la LICRA lui répondit que les erreurs ne comptaient pas et que l'important était "que l'on parle de cet événement".

Et c'est ainsi qu'une troisième plaque fut apposée. Celle-ci ne fut pas inaugurée. Elle est toujours en place.

Je n'ai pas utilisé ma documentation pour illustrer ce post : la photo des trois plaques, les copies des courriers de MM. Braitberg père et fils, de M. Jourkévitch et de la LICRA, les journaux et périodiques rendant compte de l'inauguration de la première plaque, puis, de l'inauguration de la seconde.

Il reste que les Juifs de Sainte-Foy n'ont pas été fusillés par des nazis mais par des collaborateurs français. Ce qui a toujours du mal à être reconnu aujourd'hui - et laisse subsister une erreur sur la plaque actuelle.

Ces corrections posent le problème de la mémoire face à l'histoire. Rien n'empêche de constituer un credo collectif convenable jusqu'à lui donner le poli d'un poncif. Rien n'empêche non plus de faire de l'histoire. Dans ce cas, quitte à parler d'un événement, pour reprendre la formule citée ci-dessus, autant en parler vrai.

Les écarts fluctuants voire les antagonismes entre mémoire et histoire nous renvoient à la mode des commémorations, à ces quêtes d'identités délitées ou perdues qui se ritualisent entre discours et plantes vertes. Ce qui justifie que les lieux de mémoire restent à la merci d'une mémoire en pleine évolution, prise entre l'oubli et la reconstruction valorisante d'un passé dont la trame historique s'estompe. A tous égards, ce cahier des Amis de Sainte-Foy en donne la démonstration. La plaque commémorant l'assassinat de ces six personnes est l'objet d'un double enjeu : celui de la mémoire qui s'enrichit d'ajouts mis en valeur par des omissions et celui de l'histoire qui détermine et établit des faits.

Le plus étrange est que l'on doit à un historien, Pierre Nora, ce concept de lieu de mémoire.

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