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Le pays foyen
6 février 2018

Saint-Quentin de Caplong dans les années 1930

Imaginez une campagne avec ses routes blanches et sans tracteurs. Pas de goudron, pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de cuves en béton armé. Nous sommes à Saint-Quentin dans les années 1930. C'était ainsi dans toutes les communes rurales de la colline. Saint-Quentin est alors un « monde plein », actif et travailleur. Dans un même lieu, ses habitants naissent, vivent, travaillent, prennent leurs plaisirs, meurent et se font enterrer. Tradition plus que séculaire

« Ne reste pas sans rien faire, disaient les anciens. Rends-toi utile. Ils ajoutaient : fais comme moi » Une photo ancienne montre la grand-mère d'André Désagnier gardant ses moutons en tricotant. Elle se rendait utile.

Ces archaïsmes apparaissent sans cesse : la fête des Mauberts avec repas, bal, pétarade de fusils et jeu de rampeau ; les travaux des champs que clôt la gerbebaude ; les blagues des jeunes gens, ils branchent des charrues dans les arbres, renversent les fagotières, et celles des écoliers qui détachent le cheval du Maire venu à la mairie, ou mettent du sable sur le savon de l'institutrice pour que s'use le linge qu'elle lave et frotte à la pompe de l'école. Une convivialité joyeuse et tâcheronne imbibait cette petite société.

Dans le bourg, commerçants et artisans apportaient leurs compétences à la vie de la commune. Ida Couquiaud avec son épicerie et son débit de tabac tenait la régie des vins. On allait au café de M. Teyssandier, lieu de retrouvailles, d'échange d'informations, lieu de vie. M. Prévot, le distillateur, qui transformait les délicieuses « piquettes » et les « vins de sucre » en alcool à 50° environ. Le boulanger, les deux carriers, Urty et Beyssade, les maçons, les couturières, le maréchal-ferrant, le marchand de grains et farines. Et bien sûr, le maire, l'institutrice et le curé Balguerie. La plupart de ces tâcherons travaillaient aussi leurs vignes ; c'était le double métier traditionnel. Cependant, tout pour vivre sur place ne veut pas dire autarcie. Le modernisme s'apprêtait à tout envahir. Voici l'exemple de la vente des vins qui procurait le plus clair des revenus.  

Saint-Quentin produisait alors des vins moelleux très réputés. Les acheteurs ? Des restaurateurs foyens, des amis à Gensac, Ste-Foy et Paris, des relations à Libourne, Bordeaux, Sarlat ou Périgueux, etc. Planteau envoyait son meilleur vin à son gendre à Alger. 25 négociants se fournissaient à Saint-Quentin. La plupart étaient installés dans la moitié sud de la France et trois à Paris et Pantin. Nos vignerons apportaient leurs vins en gare de Sainte-Foy ou le livraient aux proches avec des « camions-auto » et des « camions-foudres ». Certains faisaient encore le trajet jusqu'à la gare avec la charrette attelée au cheval que l'on appelait le « camion-cheval ». On prévoyait 3 heures pour aller jusqu'à Gardonne en camion-auto lourdement chargé. Arrêts compris ? C'est probable ! N'empêche, le pays foyen était alors appelé « le petit Sauternes ». Avec la vente de leurs vins de qualité, les gens de Saint-Quentin « parlaient » à la France entière et répondaient au modernisme.

Peu à peu, le modernisme apparaissait dans tous les domaines : techniques et pratiques agricoles, administration de la commune, tissu associatif, assurances sociales, pratiques fiscales et politiques, mode, etc. On apprécia le confort, les façons nouvelles de travailler, de vivre, d'être.    

Longtemps, le goudronnage, l'électrification et l'arrivée de l'eau courante restèrent à l'ordre du jour. On engagea enfin les travaux et leur aboutissement marqua une mutation totale. Le temps avait passé, la guerre était terminée. A Saint-Quentin comme ailleurs, à l'aube des années 1950, beaucoup d'archaïsmes s'estompaient, la convivialité subsista et commencèrent ce que l'on a appelé depuis « les Trente Glorieuses ».  

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