Roger Verdier, suite
Il y a quelques années, j'avais publié un article dans ce blog, sur ce sujet. Depuis, j'ai trouvé de nombreux documents et des témoignages sur l'assassinat de ce personnage. Je reprends cet article dans une perspective différente. Avec son épouse et sa belle-soeur, Verdier ouvre le cycle des exécutions sommaires en pays foyen. Il y en eut au moins 25 dans un rayon d'une quinzaine de kilomètres autour de Sainte-Foy. Toutes celles que j'ai répertoriées furent le fait de résistants FTP. Les victimes étaient toutes catholiques et souvent pratiquaient. Il y a parmi elles "de petits notables de village", maire, adjoint, président de cave coopérative, de riches propriétaires (ou supposés tels). Roger Verdier, lui avait une autre envergure : il avait été nommé délégué à la propagande du maréchal Pétain pour l'arrondissement de Bergerac, et aussi, il "avait braqué les projecteurs sur lui".
Le 3 décembre 1943, Roger Verdier[1], son épouse et sa belle-sœur, Simone Champeval furent tués pas un groupe de résistants dans une chambre de l’hôpital de Sainte-Foy.
Le pavillon Jean-Louis Faure, à l'hôpital de Ste-Foy, où furent assassinés Roger Verdier, son épouse et sa belle-soeur.
Roger Verdier avait 39 ans, son épouse 30 ans et sa belle-sœur 25 ans. Drame effroyable : des orphelins, une famille anéantie
Qu’est-ce qui a justifié cette tuerie ? Près de 75 après ces événements, il n’est pas facile d’apporter des réponses. Les témoignages directs sont rares et les témoignages indirects, nombreux et parfois détaillés, justifient après coup ces trois meurtres, dénaturent souvent les faits et les enjolivent.
Le choix du vocabulaire suscitera peut-être encore des polémiques ou des aprioris : un résistant parlera d’exécutions, un juriste d’assassinats ou de meurtres. Ces distinctions situent d’emblée la présentation qui fut fait de cette tuerie (encore une question de vocabulaire ?) dans les jours, les mois et les quelques années qui la suivirent : « ce fut une « exécution ».
Tant de choses ont été dites sur Roger Verdier, du témoignage objectif (très peu) au pire (beaucoup)... De son vivant, il a focalisé l’attention mais il reste peu de traces de sa personnalité, de son engagement et de son action. Après avoir été un militant actif du Parti Populaire Français de Doriot, il appartint à l’action Française. Après la débâcle, il administra la commune de Riocaud. Il fut délégué à la propagande pour sa commune puis pour l’arrondissement de Bergerac[2]. De façon générale, les responsabilités publiques qu’il exerça exacerbèrent des passions et provoquèrent des polémiques inouïes. Peu de documents donnent aujourd’hui l’écho de la réalité de son engagement public.
La découverte de nouveaux documents modifierait probablement ce travail. Les archives communales de Riocaud mentionnent-elles le passage de Verdier dans la commune et à la mairie ? Roger Verdier fut nommé délégué communal à la propagande avant juillet 1942. Un ouvrage remarquable décrit l’histoire de la propagande en France de 1940 à 1944[3]. Cependant, ce thème de recherches manque encore de monographies locales et le rôle et l’activité de Verdier, en tant que délégué communal à la propagande nous échappent. Que sont devenus les dossiers de Verdier ? Après la tuerie, la justice ordonna une enquête. Quelle fut son issue ? Les dossiers de l’enquête ont-ils été conservés, où et sont-ils consultables ? Autant de questions dont j’ignore les réponses.
Après la mort de Verdier, et celle de son épouse et de sa belle-sœur, une image de lui s’imposa rapidement, image d’une noirceur épouvantable entrelaçant sur la vérité les retombées de la rumeur et les certitudes de l’époque qui se sont révélées, récemment, fausses. Après coup, il fallut « justifier » l’assassinat de Verdier, de son épouse et de sa belle-sœur.
Mon propos n’est pas de juger ni d’apporter un point de vue définitif sur cette tuerie mais de décrire les événements du 3 décembre 1943, de situer leur origine, de montrer leurs conséquences immédiates et enfin, de relater la présentation qui en fut faite après la fin de l’occupation allemande en pays foyen.
Faire-part pour les obsèques de la famille Verdier. Il fut écrit par la belle-mère de Roger Verdier.
Un groupe de Waffens-SS s'était installé récemment à Castillon. Il avait pour mission de réprimer les Résistants de la région, en particulier du pays foyen, dont les actions éclataient au grand jour. Il comprenait une petite vingtaine de jeunes Français commandés par un Allemand, le lieutenant Démétrio. Ils vengèrent la tuerie de l'hôpital en assassinant les gendarmes Barraud et Métais à la brigade de Ste-Foy. Ce fut dans la nuit du 6 au 7 décembre 1943. Les résistants qui avaient pénétré à l'hôpital s'étant déguisés en gendarmes...
Obsèques des gendarmes le 9 décembre 1943.
Dans tout le pays, l'émotion fut considérable : pour la première fois, une gendarmerie de la France occupée était attaquée par l'occupant nazi. Certes, la gendarmerie foyenne ne fut pour rien dans la mort de Verdier et des siens. Cependant, il fallut justifier "coûte que coûte" l'exécution d'un délégué à la propagande du maréchal pour un arrondissement.
Mon propos n'est pas de réhabiliter Roger Verdier, mais de donner ici des éléments nouveaux sur le personnage et sur le triple assassinat du 3 décembre 1944.
Je n’ai pu éviter un écueil : la vie quotidienne à Riocaud, de 1939 à la fin de 1943, n’apparaît pas. Rien ou presque sur les rythmes réguliers, avec l’école, les travaux des champs, les activités des petits commerçants et des artisans, rien sur les préoccupations des gens, avec les contraintes de travail, de nourriture et le maintien du « confort » habituel dans la maisonnée. Rien ou presque sur les structures associatives, avec les activités du syndicat agricole puis de la Corporation agricole, celles de la Croix-Rouge scolaire et de la section communale de la Légion des Combattants. Enfin, rien sur la diffusion des thèmes et des thèses pétainistes dans la commune, du redressement national aux statuts des Juifs, sans oublier l’engagement de Pétain dans la collaboration.
A suivre.
[1] Roger Verdier n’a laissé ni descendance ni parenté en pays foyen.
[2] Le 29 novembre 1943, l’adjudant Pradier écrivit dans un rapport que Verdier était « délégué d’arrondissement à la propagande du Maréchal ».
[3] Dominique Rossignol, Histoire de la propagande en France de 1940 à 1944, L’utopie Pétain, PUF, 1991.