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Le pays foyen
17 novembre 2007

En allant à la gare

En 1874, on inaugura la gare de Sainte-Foy et le premier train arriva. Pendant un temps, Sainte-Foy resta le terminus de la ligne. Puis, le chemin de fer fut amené jusqu’à Bergerac et enfin, à Sarlat.

camif21    Dans les années 1870, la construction du pont du chemin de fer.

camif21    Passage du train, vers 1908. A droite, sur le rivage, un pêcheur répare les filets qu'il a étendus sur l'herbe.

camif21  Le pont du chemin de fer, carte postale colorisée des années 1950.

Depuis une dizaine d’années, on avait tracé des plans et acheté les terrains sur lesquels on installerait le chemin de fer et les gares. On avait nivelé, lancé des ponts, empierré la voie et enfin, posé les traverses et les rails et bâti les gares. Ces chantiers gigantesques employaient un grand nombre d‘ouvriers, dont une forte proportion d’Espagnols. Des cabarets et des auberges apparurent le long des travaux. Il s’agissait parfois d’établissements clandestins que les juges de paix de Vélines et de Sainte-Foy mirent à l’amende et firent fermer.

Le chemin de fer attirait et renouvelait une vie économique et sociale dense. Dans un excellent roman policier qu’il publia en 1873, “La corde au cou”, Emile Gaboriau décrivait la vie qui régnait autour de ces petites gares de bourgades : “La gare, toujours pour la plus grande commodité de messieurs le voyageurs, a été bâtie à une bonne demi-lieu de la ville... On y arrive par une jolie route, jalonnée d’auberges et de cabarets, lesquels, les jours de marché, s’emplissent de paysans qui, le verre à la main et la bouche pleine de protestations de bonne foi, cherchent à se voler à qui mieux mieux. Les jours ordinaires, même, cette route est assez fréquentée, car le chemin de fer est devenu un but de promenade. On y va voir arriver ou partir les trains, dévisager les étrangers, et aussi épiloguer sur les motifs connus ou secrets qui peuvent déterminer M. un tel ou Mme une telle à se mettre en voyage”.

camif21    "Promenades de Sainte-Foy" vers 1875. Il s'agit de l'actuel boulevard Larégnère qui fut prolongé jusqu'à la gare.

A Sainte-Foy, on ouvrit deux routes menant à la gare : l’avenue de la gare et la route qui rejoint la place devenue plus tard la Place Broca.

camif21   L'avenue Paul-Bert, que les foyens nomment encore "l'avenue de la gare". A droite, l'école communale, à gauche, peu de bâtisses.

camif21    Le Temple Evangélique est un des premiers bâtiment élevé sur l'avenue de la gare. Sur les terrains qui s'étendent derrière le temple, on organisa des courses de taureaux dans les années 1910.

camif21 Le quartier se construisit très vite.

Des cabarets apparurent le long de ces routes : le Café de l’Orient, en face de la Gare, le Café de la gare, place du Monument aux Morts, et le Casino et le Café Broca, en allant vers la place Broca.

camif21    A gauche, le café de la Gare. La photo a été prise vers 1908. C'est sur cette place que sera élevé le monument aux Morts.

Le Café de l’Orient vit le jour vers 1870. Au début, il servit de cantine et de débit de boissons aux nombreux ouvriers qui firent les travaux de terrassement, posèrent le ligne de chemin de fer et édifièrent la gare. Un beau jour, ce débit de boissons reçut le nom de “Café de l’Orient”, parce qu’il symbolisait une destination mythique, l’Orient.

camif21    La place devant la gare. A gauche, le Café de l'Orient, à droite, les bureaux de la maison de vins Sully-Mathieu - voir la photo plus bas.

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camif21    La place de la gare, avec le café (voir d'autres photos de ce café dans le petit carnet de Simone Mathieu, dans les albums).

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Puis, sur chacune de ces voies, fut édifiée une salle de spectacle : la salle Linart, avenue de la Gare et le Casino Rey, rue Broca.

camif21    Le Casino Rey et son café. Le casino est encore une baraque en bois et la façade du café n'a pas encore été refaite.

camif21    A gauche, le Casino Rey comprenait une salle de spectacle et un café. Au fond, la place Broca. Je ne connais pas de photo représentant la salle Linart.

camif21    Le casino Rey vers 1910.

Sainte-Foy étant alors marqué par l’antagonisme entre protestants et catholiques, les propriétaires de ces salles choisirent leur camp : Linart accueillit les réunions des catholiques et des conservateurs et Rey celles des laïques et des républicains. Quand au café Broca, les francs-maçons foyens y tinrent leurs réunions lorsqu‘ils reprirent leurs activités à la fin du 19e siècle.

camif21    A droite, le Café Broca ou plutôt, "le Café Proca" : la famille du savant avait fait un procès au propriétaire du café pour lui interdire d'utiliser le nom de l'illustre savant. Elle gagna le procès et le bistroquet se contenta de transformer le B de "Broca" en P. "Proca" étant désagréable à prononcer, les gens continuèrent à dire "Broca". Le petit garçon qui tient une scie est le fils Bellet. Son père était charcutier et on le surnommait Reguinguaud. Le petit garçon à droite, avec le béret bien enfoncé est le fils Puissant. La carte postale suivante montre la façade du Café Proca.

camif21    Le Café Proca, de style mauresque et des vitraux colorés aux fenêtres.

camif21    Le dimanche, les foyens allaient attendre les trains pour voir qui partait et qui arrivait. 

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camif21    Les quais de la gare et les cafés s’emplissaient de curieux. Les hôtels de la ville envoyaient des calèches pour ramener les voyageurs.

Un jour, un bonhomme descendit du train et, dans la foule, il avisa un petit vieux aux yeux pétillants de bonté, une longue barbe grisonnante tombant en deux mèches folles, et des vêtements sobres et sombres. L‘homme était en sabots. Il avait sur la tête un incroyable galurin noir, comme un béret excessivement large. Le voyageur l‘apostropha : “Mon brave, vous voudrez bien apporter mes bagages à l’Hôtel Grenouilleau”. Le vieil homme prit les bagages et, suivi par le voyageur, s’en fut les déposer à l’hôtel. “Voici pour votre peine”, lui dit celui-ci, en lui tendant quelques pièces. Le petit vieux les refusa : “Je n’en ai pas besoin”, Monsieur, je suis Onésime Reclus”. Onésime, l’un des frères Reclus, était un géographe dont la renommée avait atteint un large public en Europe occidentale et, en particulier, notre malheureux voyageur. Les vieux foyens qui m’ont raconté cette histoire n’ajoutaient pas un mot après le refus d‘Onésime : ils riaient de bon cœur en laissant imaginer la confusion du voyageur.

Le café Broca est devenu une étude de notaire, le Casino Rey un funérarium et la salle Linart a disparu. Il reste le Café de la Gare, le Café de l’Orient et le Café du Casino que l‘on continue de fréquenter avec plaisir. Quand au passage des trains, il ne fascine plus guère que les enfants.

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Commentaires
J
Monsieur Gérard Partiot signale que c'est son arrière-grand-père, Léon Partiot, qui réceptionna les travaux du pont du chemin de fer.
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C
Félicitations pour ce post très bien illustré !
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J
Salut, Doudon ! J'apprécie tes commentaires et plus encore, tes textes.
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D
Je reconnais la gare! Que j'aime l'histoire du géographe...
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