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Le pays foyen
8 août 2008

les vieilles du pays foyen

Connaissez-vous cette poésie ?

   Les vieilles de notre pays
Ne sont pas de vieilles moroses
Elles portent des bonnets roses
Des fichus couleur de maïs
Les vieilles de notre pays

Elle fut écrite en 1900 par Jules Lafforgue, un avocat qui était né à Gourdon, dans le Lot. On a en fait une chanson qui fut célèbre et qui est restée très connue. Cherchez-la sur le net, vous l'entendrez chantée par André Baugé ou par Jacques Lantier.

Mais les vieilles du pays foyen ?

Elles portaient des vêtements noirs ou sombres et avaient la tête serrée dans un fichu noir. Quand elles posaient pour le photographe, elles tenaient les mains devant leur ventre. Voici une très belle photo que m'a communiquée Michel Imbert, de Pineuilh :

grand_m_re_1

Cette vieille dame porte le costume local. La jupe est gonflée par un jupon épais. Le chemisier est sobre et marqué par la mode parisienne. C'était une manière de personnaliser l'uniforme social. Elle a ramené les mains sur son ventre, l'une sur l'autre.

Cette attitude était fréquente : sur les cartes postales des années 1900, il y a souvent des gens réunis pas l'arrivée du photographe, en voiture. C'est un événement exceptionnel. Ils sont immobiles, ils posent pour la photo. Dans la plupart des cas, les femmes, et seulement elles, ont cette attitude, mains posées sur le ventre. La position voisine des bras croisés ne se rencontre jamais.

L'aïeule Ménétrey et son époux, photo des années 1890 :

m_n_trey

Voici une autre photo.

Cette dame croise aussi les mains sur le ventre. Elle a sacrifié à la mode, à son corps défendant : un corset l'aide à chercher une taille qu'elle a perdue et, avec le jupon, marque sa taille. Une broche et une aiguillette complétent ses beaux atours. La dame a pris soin de mettre en avant la main qui porte une bague. Pas de fichu : elle porte un beau chapeau qu'elle a enlevé puisqu'elle est dans une maison.

roi_20001

Que faire de ses mains, quand on pose pour un photographe ? Certes, il est si simple de les mettre devant son ventre. La jupe ou la robe avaient-elles des poches où on puisse les fourrer ? A la fin du 19e siècle, non. Dans la maison, les dames mettaient un tablier qui avaient une ou deux poches, mais elles l'enlevaient quand elles quittaient leur maison.

On pouvait rester les bras ballants, mais pas chez les petites gens : il fallait s'occuper sans cesse et travailler de ses mains. N'en rien faire était inadmissible. "Ne reste pas les bras ballants", disaient les anciens aux enfants : il fallait "leur apprendre". Leur apprendre quoi ? A travailler, bien sûr, mais on ne le disait pas : pour apprendre à travailler, on regardaient faire ceux qui savaient.

Voici un groupe de belles dames dans le jardin du casino Rey. La nourrice tient la main du petit enfant, une dame tient son ombrelle, une autre met la main dans le dos du petit garçon, une dame maigre a croisé les bras dans son dos. Quand à la dame qui n'a rien à tenir, plutot que de rester les bras ballants, elles a croisé ses mains sur le ventre, en prenant soin de montrer celle qui porte les bagues.

roi_20002

Quelques années plus tard, chez de petites gens, on ferre un cheval. Entre le groupe de bourgeois foyens assistant à une kermesse dans le jardin du casino et les travailleurs affairés autour du cheval, il y a deux point communs :

personne n'est tête nue, et la dame qui n'a rien à faire de ses mains les tient devant son ventre.

roi_20003

J'enrichirai cette documentation au fur et à mesure de mes trouvailles.

J'emprunte la carte postale suivante au blog consacré au Fleix (pour l'ouvrir, utiliser le lien dans la colonne de droite). Cette carte postale a été éditée dans les années 1900.

Toutes les femmes et la petite fille tiennent les mains devant leur ventre. 

Direction croix du Gendre/Bergerac

Aujourd'hui, plus personne ne prend cette attitude. On ne la trouve pas dans les ouvrages de Demond Morris, "la clé des gestes', et "le langage des gestes". Cette attitude a disparu après la première guerre mondiale, en même temps que le costume traditionnel des vieilles de notre pays.

Paul Poiré habille les élégantes et inspire les autres. Les jupes et les manches raccourcissent, les cols s'évasent et le chapeau cloche remplace les fichus.

Madame Jouve m'a transmis les photos de son arrière-grand'mère et de sa grand'mère, prises le même jour, en mai 1923, dans la cour de leur maison, à Sainte-Foy. Ces deux femmes illustrent la mutation qui est en train de s'accomplir :

jouve_3

jouve_2

Regardez ces photos. Quel âge donnez vous à la vieille dame ? Tant que ça ? Je vous donne la réponse en commentaire.

Quand à la jeune femme, elle a toutes les audaces pour l'époque : elle est tête nue et sa robe laisse voir le pied et la cheville. On voit même un peu le mollet ! C'est cette jambe à peine dénudée qu'elle a mise en avant : elle s'est libérée de l'uniforme social que porte encore sa mère, elle assume le renouveau social.

Une chanson de 1925 court les rues : Ell's nous font voir leurs mollets.

varna

Cette attitude, tenir les mains sur son ventre, je la trouve en pays foyen, des années 1890 aux années 1920, parce c'est le grand essor de la photographie, qui en porte témoignage, et que je m'intéresse au pays foyen. Mais avant, et ailleurs ?

Je n'en sais rien. Avant, aucun document ne nous renseigne sur ce sujet. Ailleurs il existe des milliers de cartes postales et de photographies qu'il faudrait retrouver et trier. Jusqu'à obtenir une carte des régions dans lesquelles les femmes adoptent cette attitude ; et à vérifier si on la retrouve en dehors des zones rurales et du milieu des petites gens.

Voici un indice, avec ce groupe présenté par le sculpteur Steiner au salon de 1898, "le déclin". Cette statue se trouve aujourd'hui au cimetière du père Lachaise, à Paris.

steiner

annexe

Jean-François Bourgues m'a ouvert les vieux albums photos de sa famille. Voici des photos prises à la fin du 19e siècle, à Saint-Avit du Moiron :

jean_fran_ois_648

jean_fran_ois_755

jean_fran_ois_795

jean_fran_ois_796

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Commentaires
B
bonjour <br /> <br /> je suis un pt fils de la famille bret de st foy et je trouve votre blogs sympa merci pour votre travail
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N
C'est passionnant !<br /> <br /> Et bien illustré, merci pour ces judicieuses remarques.
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P
Oui, j'ai apprécié de parcourir votre blog, un non foyen d'origine comme moi, y trouve naturellement beaucoup de choses. Pensez à mettre une version anglaise car il y a beaucoup d'anglais? cordialement
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J
La "vieille" dame, sur l'avant dernière photo, a 60 ans.
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