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Le pays foyen
2 septembre 2008

Foyens d'autrefois

Vers 1950, le père Blondy avait son atelier de bourrelier-cordonnier au 89 de la rue Victor Hugo dans un petit magasin comprenant un établi, une ou deux chaises, des casiers garnissant les murs et des outils aux manches patinés par l'usage ; des paquets de lanières et de ficelles pendaient à des clous.

J’y allais avec mon grand père qui était un copain de M. Blondy, et, à peine entré, j’avais l’impression que l’atelier était figé dans une poussière fine et grise, répandue par tant de travaux accomplis.

Mon grand père achetait une fascine de raffia ou autre chose, et je restais sage, dans mon coin : « Ne touche rien, mais si tu veux, tu peux toucher avec les yeux ». Toucher avec les yeux, je ne m’en privais pas, en respirant cette odeur rêche et douce du cuir qui vous accueillait dès l‘entrée…

Comme beaucoup de foyens, le père Blondy avait un petit jardin à la sortie de la ville. Il y faisait venir des légumes que son épouse cuisinait, et en particulier, des citrouilles : les Blondy adoraient le milla, ce gâteau que l’on fait avec la chair de la citrouille.

Madame Blondy préparait le gâteau et M. Blondy le portait chez Jean Pagnac, le boulanger : « Tiens, mon drôle, tu peux me le faire cuire » ? Jean Pagnac faisait cuire le gâteau avec une fournée de pains. Ensuite, le père Blondy revenait chercher son milla : « Je te remercie, mon drôle, un jour, je te récompenserai ».

Pagnac imaginait qu’un beau jour, le père Blondy arriverait avec deux millas, lui demanderait de les faire cuire et, en revenant les chercher, lui dirait : « Jean, il y en a un pour toi, le voici «  ! Jean et Odette, son épouse, se régaleraient...

Un jour, le père Blondy arriva chez le boulanger. Il portait un milla et un petit sachet en papier. « Tu peux me faire cuire ce milla ? Je reviendrai le chercher. Mon drôle, je t’avais dit que je te récompenserai, alors, ta récompense, la voici ». Il lui donna le petit sachet en papier.

Pagnac l’ouvrit.

Il contenait des graines de citrouilles.

pagnac

A gauche, Yvan Barrière, à droite, Jean Pagnac à l'époque des millas. Je trouverai une photo en meilleur état et... le nom du chien.

Le voisinage trouva que l’histoire était savoureuse. Je vous la raconte pour vous parler de la solidarité, autrefois, en pays foyen : La solidarité ne faisait pas l’objet de règles écrites, elle se pratiquait dans la vie quotidienne, sous des formes diverses : entr‘aide, convivialité, échanges équilibrés. Dans ce contexte d’entr‘aide, le bourrelier avait agi avec beaucoup d’esprit et peu de moyens, laissant son compère rêver à la longue transformation de la graine en gâteau.

La solidarité a marqué les relations sociales et aussi, l’architecture de la ville.

Revenons aux citrouilles du père Blondy. L'histoire contient trois éléments qui sont devenus aujourd'hui des archaïsmes :

- Le petit artisan foyen dont l'activité lui suffit presque à couvrir ses besoins.

- Il cultive un jardin à la sortie de la ville pour avoir de bons légumes. Dans les années 1950, c'était le cas de beaucoup de foyens. Mon grand père avait un petit jardin sur la route de Marmande, il y faisait venir patates, radis, fèves, tomates, petits pois et haricots. Il avait aussi des poiriers et quelques pêchers. Sans oublier des bordures de capucines.

- L'entre aide entre voisins.

A suivre...

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