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Le pays foyen
20 octobre 2008

Quand Judith de Reclus adopte la mode parisienne, à Ligueux, vers 1630

Datée de la première moitié du 17e siècle, voici une poésie bien tournée, en l'honneur d'une dame appréciée : Judith de Reclus. A l'époque, il y avait des Reclus à Sainte-Foy et à Ligueux. J'ignore à laquelle de ces deux famille appartenait Judith et, si je penche pour celle de Ligueux, c'est parce qu’à l’époque, le capitaine Pierre de Reclus habitait dans cette paroisse, au village des Crux. C’est un argument bien faible, j’en conviens. Peut-être s’agit-il d’une seule famille possédant à la fois une maison à Sainte-Foy et une autre à Ligueux.

Voici cette poésie :

Par tout l’univers on dict

Que Judith

De Reclus est la plus belle

De vraye et sans contredit

Que Judith

Est fort chaste damoizelle

Dans le palais de Judith

Dans son lict

Dans sa basse et haute chambre

Tous les atours du chalit

De Judith

Ne sentent que musc et ambre

Jamais le teint de Judith

Ne pallit

C’est une beauté sacrée

Tous admirent le crédit

De Judith

Sa vertu, sa renommée

Sa chevelure

Sa chevelure cendrée

Le ciel de ses dons bénit

La Judith

Luy favorise sa grâce

Son doux amant la chérit

La polit

Réjouit

Se sousrit

Se ravit

Lorsqu’il contemple sa face

Bref tout le monde prédit

Que Judith

Sera la plus noble dame

Car c’est un fort rare esprit

Qui reluit

Autour d’une sage femme.

Judith a toutes les qualités : elle est belle et montre un « fort rare esprit ». De son cadre de vie, seule sa chambre est citée : selon la mode de l’époque, c’est là qu’elle reçoit ses amis. Les « entours » du châlit de Judith ne sentent que musc et ambre, parfums fort à la mode au 17e siècle. A en croire Pierre Corneille, Martial, parfumeur à Paris, était en 1634 un des sujets ordinaires de la conversation dans le beau monde. Loret, le chroniqueur en vogue, le qualifie, en 1652, de « grand vendeur de musc et d’ambre ». On tenait donc Judith de Reclus pour une personne « dans le vent », comme on dirait aujourd’hui.

Que Judith soit domiciliée à Sainte-Foy ou à Ligueux, voire dans ces deux paroisses, qu’importe. Ce qui est intéressant de constater, c’est l’arrivée de la mode parisienne dans de petites localités. La poésie met en valeur les parfums, l’esprit et le caractère de la dame, sur un mode qui rappelle l’Astrée d’Honoré d’Urfé. La civilisation des mœurs est en train de s’épanouir. Peu à peu, apparaissent les armoires, la fourchette et ce langage que l’on surveille jusqu’à l’excès et qui fera le bonheur des Précieuses Ridicules.

Cette poésie montre qu’à Ligueux, on n’échappe pas à certains aspects de ce mouvement.

Notes :

- Le texte original de cette poésie est conservé dans le fonds Delpit, ms 214, des Archives municipales de Bordeaux.

- On trouve mention de Pierre Reclus ou Pierre de Reclus, capitaine, habitant à Ligueux et qui sait signer dans Arch. dép. Gironde, 3 E 20 978, f° 56 et 84, et 3 E 20 979, f0 70.

- Une Judith de Reclus épousa Hélie de Cosson, écuyer, seigneur de l'Isle, du Claux et de la Mothe-de-Lèches, en 1653 (M. de Courcelles, Dictionnaire universel de la noblesse de France, Paris, 1821). S'agit-il de notre Judith ?

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