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Le pays foyen
14 octobre 2007

Au delà des images : magazines et livres illustrés

Qu’y a-t-il au delà de ces images populaires dont l’histoire, en pays foyen, ne débute guère qu’à la fin du 18e siècle ? Il y a de nombreux thèmes de recherches, en particulier sur la prodigieuse expansion des images aux 19e siècle. Je dirai un mot de l’apparition des magazines illustrés à « deux sous ».

Autre thème passionnant : la mentalité de ces gens du pays foyen qui, pendant des siècles, ont vécu sans disposer d‘images ou presque.

camif21    Le Magasin Pittoresque, page de titre du premier volume, année 1833.

En 1833, Euryale Cazeaux et Edouard Charton lancèrent « le Magasin Pittoresque » , un hebdomadaire de 16 pages richement illustré de gravures sur bois ou sur cuivre, vendu seulement 2 sous.

camif21    Dans la 19e livraison de cette première année, image d'une "Goutte d'eau vue au microscope", et "Figure de la Vorticella senta, grossie 144 400 fois". La puissance du microscope m'étonne...

«Notre Magasin à deux sous se recommande à tout le monde ; mais il est plus particulièrement destiné à tous ceux qui ne peuvent consacrer qu’une humble somme à leurs menus plaisirs », écrivent-ils dans la présentation du premier numéro. Longtemps, cette somme de deux sous a marqué la limite entre la gratuité et le coût négligeable. Dans les années 1950, les foyens utilisaient volontiers ce chiffre en proverbe « Oh ! ça ne vaut pas deux sous », disaient-ils, et ces deux sous étaient, pour eux, au niveau du maravédis, du kopeck et du fifrelin.

Cazeaux et Charton voulaient satisfaire tous les publics «en appelant tour à tour nos artistes, nos écrivains, à représenter, à dire ce qui est vrai, ce qui est beau, ce qui est utile, sans mélange d’exagération ou d’imagination mensongères ».

Cazeaux se retira assez vite de l'entreprise. Charton s'y maintint jusqu'à sa mort, en 1890. Je vous signale ce personnage attachant qui fut marqué par la religion chrétienne et le saint-simonisme, et fut un homme de respect et de devoir.

camif21    La doctrine de Saint-Simon, aux bureaux du Globe et de l'organisteur, 1831. Dans le chapitre sur l'éducation, on lit cette phrase : "La société de l'avenir sera composée d'artistes, de savans et d'industriels ; il y aura donc trois sortes d'éducation, ou plutôt, l'éducation sera divisée en trois branches, qui auront pour objet de développer : l'une la sympathie, source des beaux-arts ; l'autre, la faculté rationnelle, instrument de la science ; la troisième enfin, l'activité matérielle, instrument de l'industrie". Ce sont les catégories retenues par Cazeaux et Charton quand ils veulent représenter dans leur magasine ce qui est beau, ce qui est vrai et ce qui est utile. 

Le Magasin Pittoresque eut d’emblée un énorme succès. Il cessa de paraître en 1937.

camif21   "Un canal à Delft", Tableau et dessin de F. Stroobant, dans la livraison de juillet 1875 du Magasin Pïttoresque.

Jean-Pierre Faure m’avait dit que son père, Elie Faure, lorsqu’il était enfant, avait découvert la peinture et la sculpture dans les pages de cette revue. Je cite Elie Faure parce qu'il est né à Sainte-Foy en 1873. Ses écrits sur l'histoire de l'art sont remarquables. Jean-Pierre Faure me disait « Le premier musée que mon père a tant de fois parcouru, me disait-il, ce sont les illustrations du Magasin Pittoresque ». On sait que le Magasin Pittoresque offrit une documentation très riche dans lequel un nombre important d’amateurs, de chercheurs et d’écrivains (Jules Verne en particulier), puisèrent tant d’informations. Cependant, j’ignore ce que fut l’audience de cette revue en pays foyen. Les inventaires de quelques bibliothèques locales du 19e siècle, si on les retrouve, mentionneraient peut-être cette revue. Quelques tomes figuraient dans la bibliothèque de Brugière. Les gens aisés achetaient le volume relié contenant toutes les livraisons de l’année. Pour la première année, il leur en coûtait 9 francs 50, ce qui représentait plus d’une semaine de travail d’un ouvrier.

Je n’ai jamais trouvé un exemplaire de ces livraisons régulières de 16 pages du Magasin Pittoresque en pays foyen. Peut-être ces cahiers fragiles ont-ils été détruits.

camif21    Page de titre du premier volume du Musée des Familles, 1834.

Le Musée des Familles parut en octobre 1833, avec les mêmes principes, la même présentation et le même prix que le Magasin Pittoresque. Comme lui, il s’inspirait des revues anglaises de l’époque. Le Musée des Familles paraissait encore en 1899.

camif21    "La rue Babazoun, à Alger". Livraison de novembre 1833 du Musée des Familles.

A ces revues qui étaient publiées pour tous les publics, s’ajoutaient des livres pour enfants. Dans les années 1830 on donna aux enfants une place qu'ils n'avaient jamais eue dans famille et dans la société. L'Emile, de Jean-Jacques Rousseau et l'oeuvre de Jean-Frédéric Oberlin, ce pasteur apôtre du progrès social, avaient ouvert la voie. On s’intéressait aux enfants et les éditeurs lancèrent et développèrent pour eux un type novateur d’ouvrages : les livres récréatifs illustrés.

camif21   Edition soignée de Robinson Crusoé chez Leleu, à Lille, en 1810. Ce beau frontispice est la seule image du volume. L'ouvrage est relié plein cuir. 

Un des premiers succès de ce genre est le « Robinson Crusoë » de Daniel De Foe. Il figurait dans deux bibliothèques foyennes de l‘époque (au moins...). Les livres illustrés pour enfants ne tardèrent pas à foisonner. J’en ai donné un aperçu avec ces livres de prix du collège catholique de Sainte-Foy que vous verrez dans les « Albums ».

camif21    Modeste édition stéréotypée chez Mme Dabo-Butschert, à Paris, en 1833. La gravure, seule image de ce tome broché, est signée de Lignon.

Ces livres illustrés se trouvaient chez les personnes aisées mais ils échappaient aux petites gens.

camif21

A partir des années 1850, les almanachs apportèrent leur lot d'images chez les petites gens.

camif21    J'ai retrouvé une dizaine d'ouvrages provenant du cabinet de lecture de M. Sabletout. Ce sont des romans. On touve Walter Scott, "Henriette" Beecher Stowe avec "La case du Père Tom ou la vie des nègres en Amérique" publié à Paris chez Barba en 1853 (première édition française de cet ouvrage qui fit date dans l'histoire de l'anti-esclavagisme) ; "le baron de Trenck" par Clémence Robert, d'autres encore qui furent à la mode. Les ouvrages portaient un "numéro d'ordre". Le plus élevé est 2835, qui marque l'importance de ce cabinet de lecture.

camif21    Voici la "Maison Sabletout" vers 1910. Elle avait abrité le cabinet de lecture de M. Sabletout.

A la même époque, la bibliothèque municipale prit un nouvel essor et deux cabinets de lectures furent installés à Sainte-Foy : celui de M. Boursaus et celui de M. Sabletout. Toujours vers 1850, le consistoire protestant de Sainte-Foy se dota d’une bibliothèque religieuse.

Ce mouvement montre la propagation des images vers un milieu populaire par le livre et par l’instruction scolaire.

Une prochaine étape de notre balade au delà des images sera un topo consacré à ces petites gens qui vécurent, jusqu'à la fin du 18e siècle, dans une société dépourvue d'images ou presque.

camif21     "La civilité en estampes, ou Recueil de Gravures propres à former les enfans des deux Sexes à la politesse et aux usages de la bonne compagnie, avec un texte explicatif pour chaque tableau". A Paris, Chez Lecerf et Blanchard. Cet ouvrage n'est pas daté. Je pense aux années 1825, 1830. Un spécialiste du costume donnerait une date plus précise.

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