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Le pays foyen
22 mai 2010

Saint-Philippe du Seignal

Saint-Philippe du Seignal est une petite commune agricole du canton de Sainte-Foy la Grande. Elle s'étend sur 338 hectares. Son histoire se rattache à celle de Sainte-Foy la Grande : jusqu'à la création des communes, en 1791, la petite ville de Ste-Foy faisait bourse commune avec les paroisses de Pineuilh, Saint-Avit du Moiron et Saint-Philippe. Ces quatre paroisses avaient des recettes d'impôts communes et mettaient aussi en commun leurs dépenses d'investissement et de fonctionnement. On constate qu'il en était ainsi depuis le milieu du 16ème siècle. Avant, on ne conserve pas de documents sur ce sujet.

Ce constat souligne un caractère qui a marqué Saint-Philippe pendant des siècles : ce terroir renfermait de nombreuses métairies appartenant à des bourgeois foyens, qui exerçaient dans la bastide les professions de marchands ou de gens de robe (notaires, notaires, juges...). En grande partie, les productions agricoles de Saint-Philippe étaient gérées par des habitants de la bastide.

Trois contrats illustrent ces relations entre la bastide et Saint-Philippe.

Le 15 mai 1602, Isaac Reclus vend à Jacques Philipot, bourgeois de Sainte-Foy une métairie en la paroisse de Saint-Philippe avec les trois quarts d'une moulinasse pour 1500 écus (valant 6000 francs bordelais).

Le 26 novembre 1650, Mathias Decahors sieur de Jaufumat habitant de la ville de Ste-Foy et Jean Mathieu tailheur d'habit fils de feu Pierre dit Vouguet habitant du bourg de St Philip échangent divers biens : deux pièces de terre plantées en vigne dans la paroisse de St Philippe, lieu appelé la Panetière, l'autre pièce appelée aux Bourguets, une pièce de terre plantée en vigne lieu appelé aux Courèges, rentes payables aux seigneur de Pardailhan et de Paranchères.

Le 6 février 1681, maître Jean Papus avocat en parlement, habitant de la ville de Sainte-Foy, fait échange de biens avec François Marty, charpentier à barriques habitant du bourg de St Philippe. Papus donne à Marty une maison jardin et chènevière, la maison couverte de tuyle plats, qui confronte du levant à la mayson de Cristofle Boulduc du midy a un chemin de service qui va a la fontaine dudit bourg, du couchant a un fossé du nord audit Boulduc, contenant 13 escats, plus un lopin de terre en chènevière presque joignant contenant 15 escats. Marty donne à Papus une pièce de terre située dans le tènement de la Brande basse au lieu appelé au Milliau.

Ces actes illustres des aspects de cette paroisse rurale : le bourg, avec sa fontaine, des maisons entourées par des jardins et des chènevières, des vignes, des terres à blé et des zones basses, comme la Brande Basse, humides voire inondables, accueillant des prés et des chènevières, et des moulins.

Les terriers de la juridiction de Sainte-Foy sont conservés dans les archives municipales de cette ville. Ils couvrent pratiquement tout le 18ème siècle. Leur consultation donnerait une image précise des possessions de foyens dans la paroisse de Saint-Philippe et leur évolution pendant cette période.

En 1791, la création des communes détache Saint-Philippe du Seignal de Sainte-Foy la Grande. Il est probable que l'apport des productions agricoles de Saint-Philippe dans la bastide s'est maintenu longtemps. Le Féret de 1874 en donne témoignage : "Céréales excédant d'un tiers la consommation locale, ainsi que les pommes de terre et légumes". Même chose probablement pour les volailles : Saint-Philippe comptait alors "1200 têtes de volailles", indique le Féret. Aujourd'hui, Sainte-Foy n'est plus le marché agricole sur lequel sont mises en vente les productions de Saint-Philippe. Les vins, par exemple, furent achetés par des courtiers et des négociants, professions qui ont connu un essor important dans la seconde moitié du 19ème siècle. Aujourd’hui, beaucoup de producteurs gèrent eux-mêmes leurs ventes.

Depuis les années 1980, Saint-Philippe a renoué des liens solides avec Ste-Foy : de nombreuses personnes travaillant dans les commerces foyens ou à l'hôpital on installé leur résidence à Saint-Philippe. De nombreuses parcelles agricoles ont fait place à des lotissements ou à des maisons particulières. Le paysage rural a ainsi subi une modification marquante dans son histoire.

Le second caractère tient à la forme traditionnelle du paysage rural : la commune actuelle compte moins d'une dizaine de hameaux qui jadis, se trouvaient chacun au coeur d'un petit terroir, le tènement. Dans chaque hameau, les habitants travaillaient leur tènement, avec une obligation largement respectée jusqu'à la révolution : il fallait éviter de laisser des terres en friche. Chaque hameau devait comprendre suffisamment d'habitants valides pour mettre en valeur les parcelles du tènement. Ce monde rural était un monde plein et actif. Le bourg comprenait l'église, le cimetière et une proportion d'artisans plus importante que dans les autres hameaux de la commune. De nombreux artisans habitent dans le bourg ou dans tel ou tel hameau. Ils étaient forgerons, tuiliers, tisserants, drapiers, tailleurs d'habits, maçons, charpentiers et meuniers. En 1688, on trouve un tailleur de meules à Saint-Philippe.

Un troisième caractère de ce monde rural est lié à l'attachement des familles au terroir qu'elles cultivent depuis des générations. Les déplacements de jadis se faisaient à pied, à cheval ou en charrettes tirées par des bêtes de somme. Les trajets se faisaient avec une certaine lenteur et les gens ne s'éloignaient guère de leur domicile. Je parle des petites gens, de la grande majorité des habitants des hameaux, que leurs conditions de vie précaires empêchaient de disposer d'un cheval.

Lorsque la voiture commence à se répandre, dans les années 1930, et surtout, après la dernière guerre, ces artisans traditionnels disparaissent, au mieux, s'adaptent, ou font place, peu à peu, à des professionnels appliquant des méthodes de travail modernes. Enfin, récemment, l'épicerie du bourg a fermé ; c'était l'épicerie traditionnelle où l'on trouvait tout et le reste.

L'agriculture locale a adopté les techniques et les structures modernes : le métayage a disparu avec la reprise des propriétés par les émigrés italiens, et de façon générale, à la faveur de la loi sur le métayage de 1959. L'outillage agricole moderne a remplacé la main d’œuvre fournie par les nombreuses familles d'ouvriers agricoles qui vivaient jadis sur les exploitations.

L'aspect actuel du bourg de Saint-Philippe évoque bien ces évolutions. Malgré l'absence de commerce, on parle toujours du bourg, comme autrefois, et non du village. Le vieux bourg s'organise à l'est de l'église, autour du chemin tord qui forme une boucle fermée passant devant l'église. A l'ouest, les terres du château de Bourgognade, traditionnellement livrées à l'agriculture, ont empêché que des maisons viennent s'élever près du chevet de l'église et du cimetière qui l’entoure. Le bourg s’est développé le long de la route qui le traverse. Cette route vient de Sainte-Foy et vers l'est, à la sortie du vieux bourg, bifurque sur la gauche vers Saussignac et Gardonne, et sur la droite, vers Monestier et Eymet. Depuis un siècle, des maisons sont apparues le long de ces routes. Le nouveau village s'est implanté autour de la bifurcation, avec la mairie, les écoles (aujourd'hui fermées), le cimetière neuf (ancien cimetière protestant, et donc, éloigné de l'église), le monument aux morts, le terrain de jeu, et l'esplanade où se tenaient les fêtes et sur laquelle la municipalité a élevé une salle municipale. Le vieux bourg comprenait les lieux de rencontre traditionnels : église et commerce et des terres agricoles continuent encore de se glisser entre de vieilles maisons. Le nouveau village a rassemblé les lieux de rencontre organisés ou édifiés à partir du 19ème siècle. Il comprend aussi des résidences récentes élevées dans de petits parcs ou des jardins soignés.

Ce bilan fait ressortir un dernier caractère : jusqu'à la fin du 19ème siècle, probablement, et peut-être même jusque dans les années 1930, les habitants de Saint-Philippe ont trouvé ou possédé sur place, dans leur commune : leur domicile, leur lieu de travail et leurs lieux de rencontres et de fêtes. Habiter, travailler et faire la fête dans un même lieu marque un mode de vie devenu archaïque. Aujourd'hui, beaucoup d'habitants de la commune ne travaillent pas sur place. Par contre, les fêtes continuent de rassembler une grande partie de la population et restent très appréciées. Elles maintiennent une harmonie et une certaine solidarité entre les habitants de Saint-Philippe.

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