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Le pays foyen
3 juillet 2012

Vélines en 1776 : un bourg campagnard

Le 3 septembre 1776, les principaux habitants de Vélines adressent une supplique au juge de Montravel pour faire supprimer les fumiers qui bordent les rues de Vélines et paver les rues.

Les signataires présentent deux arguments : les processions religieuses et les enterrements ne se font qu’à grand peine. L’odeur insupportable menace la santé publique en risquant provoquer une épidémie de peste. Ils n’évoquent pas la gêne causée à la vie quotidienne des gens de Vélines par ces tas de fumiers alignés devant leurs maisons : Vélines est un bourg rural, avec les jardins derrière les maisons, les étables jouxtant les maisons et les fumiers entassés dans des trous aménagés dans la rue.

L’association des maisons, des étables et du fumier entassé dans la rue était donc la norme et les habitants avaient adopté une organisation fonctionnelle. Tôt matin, le laboureur conduisait son attelage à la campagne proche et commençait sa journée de travail. Le soir, il le ramenait chez lui et faisait sa grange. Depuis quand en fut-il ainsi ? Les autres bourgs et hameaux du pays foyen présentaient-ils cet aspect ?  Avec ces questions, nous abordons un thème méconnu de l’histoire locale : la typologie des hameaux du pays foyen à la fin de l’ancien régime et donc, la vie quotidienne.

Cette supplique adressée au juge de Montravel confirme que cette pratique était alors inscrite dans les mœurs. Les affaires concernant les habitants de Vélines étaient discutées par les principaux habitants qui se réunissaient en « assemblée capitulaire », sur convocation, le dimanche, à la sortie de la messe, devant le porche de l’église. Une décision était prise et habituellement, un syndic était nommé pour l’appliquer. La valeur de la parole donnée était telle que l’on n’éprouvait pas le besoin de tenir un registre de ces délibérations. Parfois, lorsque l’affaire était d’importance, on convoquait un notaire, ou bien, on profitait du passage d’un notaire itinérant pour avoir un compte-rendu écrit de la réunion[1].

Pour faire enlever les tas de fumier, cette procédure fut suivie sans succès et les principaux habitants demandèrent au juge de Montravel de prendre des mesures contraignantes, ce qu’il fit aussitôt. Les riverains eurent trois jours à partir de la promulgation de sa décision pour enlever les tas de fumier et paver les rues devant chez eux sous peine d’une forte amende. Il ne s’agissait pas de ces pavés cubiques en granite que les gabarres apportèrent du Massif Central à partir des années 1840 mais tout simplement de caillasse en calcaire.

Le document transcrit est la copie qui fut remise le 8 septembre 1766 par le sergent Tramond à un certain Dominé, syndic de la communauté d’habitants, qui résidait chez M. Cazenave de Lugagnac à Sardy. Marie Bellon[2], la nièce de M. de Cazenave de Lugagnac, épousa Pierre Noujarède. En mourant, elle légua ses biens meubles et immeubles à son époux. Le document resta dans la famille Noujarède jusqu’à sa dernière représentante, Melle Héricord avant de rejoindre mes boites à archives.

vélines 1776

3 septembre 1776[3].

A Monsieur le juge de Monravel.

Supplient humblement Mr l’Archiprêtre et principaux habitants de Vélines, disant que le pavé du bourg de Vélines est si dérangé, si inegal par le grand nombre de trous faits exprés pour y faire pourrir de la paille et amasser des immondices qu’on ne peut y marcher qu’avec la plus grande peine, encore moins faire les processions ordonnées, ni les enterrements des corps que l’on doit porter au cimetière situé à l’extrémité du bourg et qu’il est notoire qu’à la dernière fete du S. sacrement on fut sur le point de faire la procession a la campagne au lieu de la faire selon l’usage et le bienséance par les rues du bourg qui eut été impraticable sans le travail de quelques personnes bien intentionnées qui s’efforcèrent à la hate de faire une route a laquelle un travail aussi précipité n’a pu donner de consistance.

D’ailleurs ces fumiers et amas d’immondices infectent l’air, donnent une odeur insupportable et seroient capables d’occasionner des maladies et causer la peste et comme il n’y a rien de si contraire à la bonne police…

Ce considéré il vous plaise, Monsieur, nommer un sindic et lui donner pouvoir de faire enlever des rües dudit bourg ces fumiers, prohiber d’y en faire a l’avenir, et faire paver les rües dudit bourg aux dépens de qui il appartiendra et faires bien. A Velines le 3 7bre 1776.

Fournier, Archip. De Vélines, Vincens, Allanneau, Lugagnac de Cazenave, Ore, Chr de Cazenave, Pinet, Barde, ?, Elie Mignion, Dupuy Lafuge, Loncle, Pierre Brulatour, Mignon, Mignon, Dupuy.

Sur quoy nous octroyons acte aux susdits suppliants de leur requette, y fesant droit, enjoignons a tous les habitants du bourgt de Vellines d’enlever de chaque endroit soit tous les fumiers, pailles et autres immondices qu’ils ont ou peuvent avoir dans les rues dudit Vellines et d’en mettre a l’avenir ou en substituer d’autres a peine de dix livres d’amendes contre chacun des contrevenants, et ce dans le delai de trois jours et de tenir a l’avenir chacun endroit soit leur devant de porte communiquant aux rûes publiques dudit lieu bien pavé aussi aux mêmes peines et en cas d’insistances de la part desdits habitants ou de quelque’un d’eux, commettons le nommé Jean Binet pour veiller a l’execution de notre présente ordonnance et affin qu’elle soit notoire, ordonnons qu’elle sera lue, publiée et affichéer a la porte de l’l’écli de ladite paroisse de Vellines et pour faire tous exploits requis et accessoires, commettons le premier de nos sergents ou autres sur ce requis, auquel donnons pouvoir et mendement, fait a Lamothe Montravel le cinq septembre mille sept cent soixante six.

La Feuillade, juge.

L’an mile sept cent soixante six et le huitiesme jour du mois de 7bre, nous Jean Tramond, sergent de la juridiction de Montravel, certifions avoir signifiée la presante ordonnance a Domine syndic a qui nous avons signifié la presante parlant a luy d’ou nous luy avons lue le maime jour par nous

Tramond, sergent.

Copie pour Domine, estant chez Mr de Lugagnac.



[1] Pour le 18ème siècle, la consultation de 300 registres ou liasses de notaires, contenant chacun entre 100 et 200 actes n’a apporté que 50 actes capitulaires émanant de 16 paroisses : Appelles, Margueron, Saint Avit Grave Moiron, Saint-Philippe du Seignal, Coutures, Eyraud, Gageac, Gardonne, Razac, Saussignac, Sainte Croix de Monestier, Thénac, Loubès, Le Fleix, Le Canet et Sainte Aulaye.

[2] Marie Bellon, fille de Pierre et de Marie Barraud naquit le 31 octobre 1750.

[3] L’orthographe a été respectée.

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Commentaires
M
Quand je suis arrivée au Collège de Vélines finir, à MA DEMANDE, une modeste"carrière" en tant que bibliothécaire-documentaliste, j'ai découvert le "quart-monde RURAL", terme employé par la Principale (chargée de la direction d'un établissement de 180 élèves ! ...)<br /> <br /> Deux autres personnes que moi, pourraien vous en parler en postes, parties depuis à ... Ste Foy-la-Grande.<br /> <br /> Ah ! "Vélines-sur-mer" ou "les bains" quelle "capitale" ! ...
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