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Le pays foyen
5 février 2009

Lettre ouverte à M. Shimon Pérès, de Jean-Moïse Braitberg, le texte intégral

Dans son numéro de jeudi 29 janvier, Le Monde vient de publier une "Lettre ouverte à M. Shimon Pérès", de Jean-Moïse Braitberg, dans son numéro du jeudi 29 janvier :

http://palestine.blog.lemonde.fr

> J'ai lu l'article et, sur le site du Monde, les commentaires qu'il a suscités. J'ai lu la réaction d'Alice Braitberg, soeur de Jean-Moïse.

http://fr.blog.360.yahoo.com/blog-QnEH6bQ5fqdUnjwwQpY-?cq=1&tag=braitberg

J'ai navigué sur le net et j'ai renoncé : en trois jours, 1600 sites et blogs du monde ont reproduit cet article. 1600 hier, puis 2400, 5600 aujourd'hui, combien y en aura-t-il demain ? L'impact de cet article est stupéfiant.

> Article ? Non. Un appel du coeur et de la raison, pire, une question sur le sens de la vie, la vie de l'autre. Que vaut la vie de l'autre ?

> La vie de l'autre... En faire la base d'une morale, ou la supprimer au nom de principes supérieurs à toute morale ?

> On peut poser d'autres questions, beaucoup d'autres questions, et quelques lecteurs du Monde ne s'en sont pas privés : qui est Jean-Moïse Braitberg, est-il Juif ou non, que nous apprend sa biographie "certifiée", est-il écrivain, qu'a-t-il écrit pour justifier ce qualificatif, en quoi est-il dépositaire de la mémoire de Moshé Braitberg, son grand père, sait-il seulement de quoi il parle, etc...

> Une forêt de lorgnettes ont été dirigées vers Jean-Moïse. Il est vrai que quand le sage montre la lune, on regarde son doigt. J'ignorais que tant de lorgnettes puissent présenter une telle variété de petits bouts. Et tant mieux : opinions et sentiments émergent et s'expriment à propos d'une réalité décidément têtue. Il est temps de décrire cette réalité et qu'une morale en découle.

> Pour des raisons de mise en page, Le Monde n'a pas publié l'intégralité du texte de Jean-Moïse Braitberg.

> Voici l'intégralité de ce texte.

> Jean Vircoulon

Lettre ouverte à M. Shimon Pérès

Par Jean-Moïse Braitberg *

Monsieur le président de l’état d’Israël,

Je vous écris pour que vous interveniez auprès de qui de droit afin que l’on retire du mémorial de Yad Vashem dédié à la mémoire des victimes juives du nazisme, le nom de mon grand-père, Moshe Brajtberg gazé à Tréblinka en 1943, ainsi que ceux des autres membres de ma famille morts en déportation dans différents camps nazis durant la deuxième guerre mondiale.

Je vous demande d’accéder à ma demande, monsieur le président, parce que ce qui s’est passé à Gaza, et plus généralement, le sort fait au peuple arabe de Palestine depuis 60 ans, disqualifie à mes yeux Israël comme centre de la mémoire du mal fait aux juif, et donc à l’humanité toute entière.

Voyez-vous, depuis mon enfance, j’ai vécu dans l’entourage de survivants des camps de la mort. J’ai vu les numéros tatoués sur les bras, j’ai entendu le récit des tortures ; j’ai su les deuils impossibles et partagé leurs cauchemars. On m’avait dit que celui qui sauvait un homme sauvait l’humanité tout entière, aussi suis-je en droit de penser que celui qui humilie un seul homme humilie toute l’humanité.

Il fallait, m’a-t-on appris, que ces crimes plus jamais ne recommencent ; que plus jamais un homme, fort de son appartenance à une ethnie ou à une religion n’en méprise un autre, ne le bafoue dans ses droits les plus élémentaires qui sont une vie digne dans la sûreté, l’absence d’entraves, et la lumière, si lointaine soit-elle, d’un avenir de sérénité et de prospérité.

Or, monsieur le président, j’observe que malgré plusieurs dizaines de résolutions prises par la communauté internationale, malgré l’évidence criante de l’injustice faite au peuple palestinien depuis 1948, malgré les espoirs nés à Oslo et malgré la reconnaissance du droit des juifs israéliens à vivre dans la paix et la sécurité, maintes fois réaffirmé par l’Autorité Palestinienne, les seules réponses apportées par les gouvernements successifs de votre pays ont été la violence, le sang versé, l’enfermement, les contrôles incessants, la colonisation, les spoliations.

Vous me direz, monsieur le président, qu’il est légitime, pour votre pays, de se défendre contre ceux qui lancent des roquettes sur Israël, ou contre les kamikazes qui emportent avec eux de nombreuses vies israéliennes innocentes. Ce à quoi je vous répondrai que mon sentiment d’humanité ne varie pas selon la citoyenneté des victimes.

Par contre, monsieur le président, vous dirigez les destinées d’un pays qui prétend non seulement représenter les Juifs dans leur ensemble, mais aussi la mémoire de ceux qui furent victimes du nazisme. C’est cela qui me concerne et m’est insupportable. En conservant au mémorial de Yad Vashem, au cœur de l’état juif, le nom de mes proches, votre état retient prisonnière ma mémoire familiale derrière les barbelés du sionisme pour en faire l’otage d’une soi-disant autorité morale qui commet chaque jour l’abomination qu’est le déni de justice.

Je n’ai pas de prétention à vous faire la morale. Votre état, comme tout état, portera devant l’Histoire, la responsabilité de ce qu’il fait, dans le bien comme dans le mal. Mais, de grâce, ne cherchez pas à légitimer des actes qui bafouent les valeurs humanistes les plus élémentaires, en conservant au sein de votre état, une mémoire qui n’appartient pas à Israël mais à l’humanité tout entière. Alors, s’il vous plait, retirez le nom de mon grand-père du sanctuaire dédié à la cruauté faite aux juifs afin qu’il ne justifie plus celle faite aux Palestiniens. Et puisque le sionisme, dit-on s’inscrit dans la vision des prophètes, méditez aussi la parole d’Amos le prophète témoin des iniquités d’Israël :

« Puisque vous piétinez le faible

Et que vous prélevez sur lui un tribut de froment,

Ces maisons en pierres de taille que vous avez bâties,

Vous n’y habiterez pas ;

Ces vignes délicieuses que vous avez plantées, vous n’en boirez pas le vin.

Car je sais combien nombreux sont vos crimes, énormes vos péchés, oppresseurs du juste, extorqueurs de rançons,

Vous qui à

la Porte

, déboutez les pauvres (…)

Veuillez agréer monsieur le président, l’assurance de ma respectueuse considération.

* écrivain

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