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Le pays foyen
7 juin 2010

Roger Verdier, histoire d'un collaborateur notoire

1 - Verdier, incarnation locale d'une collaboration outrancière

Précisons que Roger Verdier n'a laissé ni descendance ni parenté en pays foyen.

Avant la guerre, Roger Verdier achète le château de la Fosse, à Riocaud, petite commune rurale au sud du canton de Sainte-Foy.

riocaud

Il se présenta comme le neveu du cardinal Verdier.

En 1929, Jean Verdier avait été nommé archevêque de Paris puis cardinal. Il travailla à structurer les diverses organisations du catholicisme français. Il mourut le 9 avril 1940.

Cette illustre parenté épata certainement les foyens. Beaucoup retinrent surtout d'autres aspects de Roger Verdier, en particulier, son train de vie dispendieux. Ainsi, juste avant la guerre, il fit transformer en porte une fenêtre du rez-de-chaussée du château. La transformation ne lui convenant pas, il fit rétablir la fenêtre. Le maçon et l'ébéniste avaient travaillé pour rien et l'ébéniste refit une fenêtre et des volets neufs, les anciens n'ayant pas été conservés (témoignage de l'ébéniste).

Cette façon de jeter l'argent par les fenêtres - et dans ce cas, au sens propre du terme - hérissait les foyens, très regardants sur leurs dépenses, comme on disait alors. C'est ce qui ressortait d'abord des témoignages oraux que j'ai recueillis sur Verdier. Ensuite, les témoins présentaient Verdier comme le séide de Philippe Henriot et comme le collaborateur local le plus actif et le plus dangereux.

On sait que Philippe Henriot fut une figure de la collaboration avec l'Allemagne nazie. Il habitait le château de Picon, dans la commune d'Eynesse. En 1909, il avait été nommé professeur au collège catholique de Sainte-Foy. Sa carrière politique, ses talents d'orateur et sa courtoisie en avaient fait un personnage de premier plan, en pays foyen.

Plusieurs témoignages apportés plus d'un an après la mort de Verdier prêtent à ces deux personnages les mêmes idées politiques, des relations régulières et telle menée commune. Si l'on connaît l'activité de Verdier dans sa commune de résidence, Riocaud, il n'a pas exposé ses idées politiques avec autant de netteté et de conviction qu'Henriot, loin de là. Je n'ai pas trouvé d'autre mention de relations régulières entre ces deux hommes que dans les témoignages donnés ci-dessous.

Ces deux personnes furent-elles amies ? C'est l'impression que gardèrent nombre de leurs contemporains du pays foyen.

Voici le témoignage écrit de l'adjudant Maurice Pradier qui commanda la brigade de gendarmerie de Sainte-Foy la Grande à partir du 16 avril 1943.

vichy

"Quelques jours après mon arrivée à Sainte-Foy-la-Grande un certain Verdier (Roger), domicilié à Riocaud, château de "La Fosse", circonscription de la brigade et délégué à la propagande du Maréchal, me fit appeler et me déclara brutalement qu'il comptait sur moi pour collaborer étroitement en vue de faire triompher par tous les moyens la politique de Vichy.

Quelques jours plus tard il me menaça de me faire partir prétextant que je n'étais pas assez énergique - Verdier était épaulé par son ami intime Philippe Henriot dont le domicile est situé à "Picon", commune d'Eynesse, canton de Ste-Foy-la-Grande (Gironde). Voyant que je ne voulais pas collaborer avec eux dans la repression des membres de la résistance, ces deux infâmes cherchaient constamment à me nuire et faisaient surveiller mes paroles et mes agissements par leurs miliciens...

Verdier, qui ne travaillait qu'à nuire à son prochain, à faire incarcérer et fusiller les membres de la résistance, apprit avec sa bande de miliciens, que la brigade exerçait une surveillance toute particulière et discrète sur un stock d'environ 7000 bottes en caoutchouc, une grosse quantité de marque A.N.P. et pneus, le tout entreposé au domaine des "Vergnes", commune des Lèves et Thoumeyragues (Gironde), chez Mmes de Hautecloque, soeur et belle-soeur du général Leclerc.

Ayant été prévenu à temps, je fis alerter le colonel commandant la subdivision de Limoges par l'intermédiaire d'un agent sûr de Bergerac et le tout fut enlevé dans la nuit qui suivit et caché dans un autre endroit secret, évitant ainsi des représailles terribles à la famille Leclerc de Hautecloque et réussissant à soustraire ce matériel aux Allemands".

Furieux, Verdier qui me soupçonnait et vexé de ce que je lui avais relevé quelques jours avant environ 140 abattages clandestins décide de se débarasser de moi. Pour ce il partit à Paris et se plaça sous la protection de de Brinon.

Ayant des relations quotidiennes avec les Waffens SS et Allemands de Castillon-sur-Dordogne (Gironde, 20 kilomètres de Ste-Foy) Verdier, aidé de sa bande, livrait les noms des membres de la résistance, y compris les chefs et moi-même".

Ce document n'est pas daté. Cependant, Maurice Pradier donne ces mêmes informations et d'autres encore, dans le procès-verbal qu'il fait rédiger le 19 juillet 1945 :

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pra1

Dans "Messages personnels", l'ouvrage qu'ils publièrent en 1945, Bergeret et Herman Grégoire brossent ce portrait de Verdier :

bergeret

On retrouve le point de vue de l'adjudant Pradier. Point de vue tardif, lui aussi, puisque "Messages personnels" paraît au début de l'année 1945. Plus tard, en janvier 1946, lorsque le juge d'instruction Olhagaray interroge un milicien foyen et son épouse, il les questionne sur leurs relations avec Verdier et avec Henriot. Le milicien décrit en détail son parcours et il est cependant évident qu'il cherche à minorer ses responsabilités. Voici sa déclaration sur Verdier :

bou

Et concernant Henriot :"Je connaissais très bien Philippe Henriot mais il n'est jamais venu chez moi".

Vrai ou faux, je l'ignore. Ces trois documents montrent à quel point Philippe Henriot et Roger Verdier ont incarné, en pays foyen, la collaboration la plus outrancière.

Roger Verdier a-t-il favorisé et provoqué l'arrestation de résistants communistes et gaullistes du pays foyen, en novembre 1943 ? Ces résistants étaient fichés depuis longtemps et leur arrestation a suivi de peu l'installation d'une section de Waffens SS à Castillon. Mais j'ignore qui en a donné l'ordre.

En mars 1942, la section foyenne de la Légion Française des Combattants et des Volontaires de la Révolution Nationale avait reçu l'ordre d'établir la liste "de tous les chefs 86 ou 87 qui se manifestent dans votre région... Ces derniers seuls et non pas le menu-fretin, doivent figurer, pour le moment, sur les listes que nous vous demandons d'établir avec le plus grand souci d'impartialité".

86 désigne les communistes et 87 les gaullistes :

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Quelques documents laissés par le chef des miliciens de Sainte-Foy montrent Henriot s'opposant au Service d'Ordre de la Légion (SOL), de Sainte-Foy.

En octobre 1942, le chef du Service d'Ordre de la Légion de Sainte-Foy, s'oppose vivement au maire de Sainte-Foy, Bertin-Roulleau. Il veut obtenir sa destitution sous prétexte qu'il freine et dessert les activités de la Légion et la demande au préfet et à l'amiral Platon, secrétaire d'Etat auprès de Pierre Laval. Dans cette affaire, Philippe Henriot rencontre le maire de Sainte-Foy, lui apporte son soutien et désavoue la démarche du SOL (lettre du chef foyen du SOL à l'amiral Platon en date du 8 novembre 1942).

Pendant la guerre, Henriot se tint à l'écart des soubresauts relationnels locaux. Au début de l'année 1944, quand il venait à Picon, la directive de la préfecture fut de le "protéger" la nuit à l'aide de deux ou trois gendarmes. Cette mesure resta symbolique et peu appliquée : Pour Henriot, Picon resta sa résidence de repos, au sein de sa famille. 

Les mains courantes tenues par la brigade de Sainte-Foy à l'époque contiennent peut-être des éléments sur Verdier. Je ne les ai pas consultées. D'autres documents présentent ce personnage sous un autre jour. Il en sera question dans le paragraphe suivant :

2 - Roger Verdier à Riocaud.

Enfin, seront données les circonstances de sa mort.

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Commentaires
M
Toute l'histoire de Roger VERDIER est-elle regroupée dans un même ouvrage ou les documents font l'objet de plusieurs parutions.<br /> <br /> Merci de bien vouloir m'en informer
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