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Le pays foyen
22 mars 2013

"Le cahier-journal de monsieur HERPE, à Ste-Foy la Grande"

"Emile Herpe (était) directeur du collège Jules Steeg", déclarait son fils Daniel dans l'entretien qu'il donna aux Amis de Sainte-Foy et sa Région pour leur cahier sur "Les Juifs à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde), 1939-1945, Témoignages".

Avec quelques amis, Emile Herpe créa le premier groupe de Résistance localisé à Sainte-Foy. Je vous en reparlerai un jour d'après les notes laissées par Emile Herpe lui-même. Il avait tenu un "cahier-journal" qui donne avec précision le déroulement des journées des 4, 5 et 6 août 1944.

Dans ces pages, figurent les noms de Jean-Marie Lamothe qui fut chef de la Résistance foyenne ; Chabre, garde-champêtre ; Chor, Masson, les frères Gérardin, des résistants foyens ; Lart, directeur de l'Hôpital ; David, des réfugiés de confession juive qui résidaient au dessus de l'atelier d'Ernest Seuve, rue Victor Hugo ; Lafont, secrétaire de la mairie ; Razjwing, réfugiés de confession juive ; Mme H., épouse du chef de la milice de Sainte-Foy ; Chateau, salarié de conviction communiste ; Gunzer ; Mme Géraud, concierge de la mairie de Ste-Foy ; Lafon, patron du bar de Port-Sainte-Foy ; T., viticulteur du canton de Vélines ayant eu des relations professionnelles avec des négociants allemands ; Vigneron, résistant foyen ; Litou ; Mme Pécastaing, directrice de l'école des filles.

Voici ce document.

"VENDREDI 4 AOUT 1944 :

Lamothe est arrêté.-

1) 8 heures : ville est cernée par les Allemands.

2) 9 heures : je vais à la Mairie; on me dit qu'Allemands ont arrêté Lamothe et le Maire (Pierre Bertin-Roulleau).

3) 10.30 heures : Chabre qui accompagnait Allemands, me dit moins de 10 arrestations.

4) Jusqu'à midi, je reste à la mairie: pas de visite allemande. Je vais chez Madame Lamothe qui est à la gare.

5) 14 heures : je vais voir Lamothe au passage à niveau, je cause quelques minutes avec lui. Mme Lamothe est là.

6) Puis je vais chez le maire qui est à la mairie; je le rencontre en route; on lui a parlé de "terroristes".

7) Il y a eu accrochage à St-André-et-Appelles et un mort parmi les Français (le jeune Liévens).

8) Allemands demandent six chambres et 15 litres d'essence. Le maire me demande d'aller voir où est l'essence des pompiers, que détient Vhot. Chor est absent.

9) 17.30 : 2 Français sous brassard jaune, dont un civil, viennent à la mairie; ils ne sont pas de la Milice, disent-ils, mais leur but est de limiter les dégats des Allemands. Ils partiront tous demain.

10) 18 heures : je vais à la gare revoir Lamothe. On me dit qu'Allemand l'ont emmené ainsi que Masson dans deux autos.

11) 18.30 heures : je vais voir Mme Lamothe pour la tranquilliser. Elle va se rendre auprès des officiers allemands au Cheval Blanc (hôtel-restaurant place Jean-Jaurès).

12) 19 heures : on arrête 13 Juifs dont 7 hommes depuis quelques instants. Chabre les conduit. Ce sont les hommes qui sont venus à la mairie, vers 17 heures, et qui se sont entretenus à huis-clos avec maire, Lafont et Gunzer. Après leur départ, quand je demande au maire ce qui s'est passé, on élude la question et on me parle de leur parti "Révolution Nationale Socialiste". Quelques moments plus tard, quand j'entrerai dans le bureau de Lafont où maire est assis devant la fenêtre, vite, il glisse un papier sous un buvard ou carton. J'ai l'impression qu'on me cache quelque chose. Peu de temps après, la porte du côté Jaminet est fermée. C'est le huis-clos. Aussi, le soir, j'établis relation entre cela et l'arrestation juive et je conclus que c'est cela qu'on voulait me cacher.

13) 20 heures : j'apprends que Lamothe a été relaché. Les Gérardin qui me le disent m'annoncent aussi l'arrestation des Juifs.

Samedi 5 août 1944 : Sainte-Foy est encore occupée.

1) 9 heures : j'apprends que maire a été arrêté hier soir 23 heures ainsi que Lart directeur de l'Hôpital. Motif : présence de blessés du maquis dans l'Hôpital.

6.10 heures : le maire vient d'être relaché. Je le vois devant la mairie ainsi que Lamothe, qui, très pressé, s'occupe de "cuisiner" X Allemands pour faire relacher Lart.

2) Je rencontre Chabre à qui je parle des arrestations juives.

- Avaient-ils une liste ?

- Oui.

- Quelle liste ?

- Celle de la mairie (toute la famille David était très bien détaillée).

3) Je vois Lafont et maire et les questionne : "C'est l'homme gris de la veille qui a tout ordonné, sur des listes copiées sur celles de la Préfecture..." (Périgueux, le canton de Ste-Foy ayant été rattaché à la Dordogne pendant la guerre).

J'ai nettement l'impression qu'on ne dit pas toute la vérité.

4) 11 heures : je vois Mme Rajwing qui est libre.

5) De 10 heures à midi : je suis très pris par opérations de l'échange des denrées que je ne me rends pas compte de la défenestration, par l'homme gris et ses hommes, du buste de la République. Ils sont entrés dans le cabinet du maire, mitraillette en main, on,t presque menacé gens du bureau d'attente Jaminet. Maire et Lafont étaient présents.

6) 15.15 heures : Lamothe est de nouveau arrêté.

Maire, qui a été interrogé à ce sujet par l'homme gris sent qu'il y a de l'hostilité. On s'en prend à l'homme de la 4e République. Il était communiste etc. Le maire conteste et le dit radical. Ce serait surtout sur les camions et autos qu'on l'interroge, de requis en requis.

7) 16 heures : capitaine Hostein présente ses services au maire en ma présence.

8) 16.30 : je termine opérations répartition oeuf et lapins qui ont pris toute ma journée.

Dimanche 6 août 1944. A la recherche des morts.

Les Allemands ont évacué Ste-Foy à 23 heurtes le 5 et à 5 heures dans la nuit du 5 au 6.

1) Vu Mme Lart. Vu Mme H. avec Chateau, puis téléphoné T. Puis vu Mme Lamothe que je rassure. Lafon du Port avait déjà fait le nécessaire auprès de T. pour Lamothe.

2) 11.50 : la maire m'apprend fortuitement, après Gunzer et Mme Béraud, qu'Allemand lui ont ordonné de faire connaître aux familles l'exécution le 5 après-midi des 6 Juifs.

D'où ma violente colère.

3) 14.30 heures : entretien à la mairie avec le maire en présence de Vigneron; l'accord est conclu sur bases honorables; le pacte du 14 juin continue à deux et non à trois. Je remets Lafont à sa place.

4) Mon enquête avec Lafont sur prétendues exécutions dans Rosières des 6 Jui_fs ne donne aucun résultat ; Litou, tombe des 3 Italiens fusillés le 5, et métayer de Marzelle, le Seignal, Mme Pécastaing, et la Madelon "Ils les ont emmenés".

Ces notes sont concises, on le constate en particulier dans le dernier paragraphe.

Emile Herpe était officiellement chargé des opérations de ravitaillement.

Lafont, qui tenait le café du Fleix, a téléphoné à Monsieur T. dont l'intervention fut efficace : Lamothe fut relaché le soir de son arrestation.

Masson fut relaché le lendemain et Lart le surlendemain. Jean Blondel, maire de Saint-André et Appelles, fut arrêté par les Allemands, emmené à Bergerac et fusillé le dimanche matin.

Plusieurs domestiques agricoles furent aussi arrêtés et libérés une semaine plus tard.

Le cahier-journal d'Emile Herpe, ne mentionne pas d'intervention pour faire libérer les Juifs et les domestiques agricoles

Les trois corps retrouvés à Rosières sont ceux de Severino Bragatto et de son fils Pierre, et d'un Polonais, Stanislas Mackoki.

Notons l'alinéa 3, dimanche 6 août 1944 : "le pacte du 14 juin continue à deux et non à trois". Jean Corriger donne la nature de ce pacte : "Le lendemain 14 (juin) s'établit, pour la sauvegarde de la cité, un compromis entre le maire et les chefs civils de la Résistance. Ces derniers sont officiellement nommés à des fonctions telles que Ravitaillement général, Croix-Rouge, Défense passive... Tout le reste, l'installation de Lamothe et de Herpe à la mairie en particulier, était réputé s'être accompli sous la menace du "Maquis"..." J'ignore qui étaient les trois parties engagées par le pacte du 14 juin et celle qui en fut exclue après les événements de 4, 5 et 6 août 1944.

Il sera un jour question, encore de ces trois journées, avec d'autres documents inédits.

En attendant, il faut souhaiter que M. Daniel Herpe fasse publier l'intégralité du "cahier-journal" tenu pas son père.

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Commentaires
N
Je suis tres interessee par ces temoignages concernant sainte foy a cette epoque. Ma grand mere , mme Beraud citee dans ce recit , etait employee a la mairie et ma mere, simone ,sage femme, effectuait les accouchements a domicile. Elle est decedee recemment et je n'ai personne pour temoigner de cette periode. Si vous avez d'autres recits , j'aimerai les consulter....MERCI <br /> <br /> ps je me souviens de mrs chabre ,ami de ma mere et grand mere.
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